i n t e r v i e w
Aure Atika
Elle a joué dans des films comme « La vérité si je mens », « OSS 117 », « De battre mon cœur s’est arrêté » ou, plus récemment, à la télévision, dans « Les hommes de l’ombre ». Avec « Mon ciel et ma terre », son premier livre, on s’attendait donc à découvrir les souvenirs d’une comédienne, des anecdotes de tournage, des potins sur ses « collègues » ! Amateurs de Closer, passez votre chemin, mais si vous appréciez les récits de vie, la sincérité et les trajectoires hors du commun, vous serez séduits par le premier livre d’Aure Atika. Elle y raconte une enfance un peu particulière, auprès d’une mère atypique, une relation dans laquelle les rôles étaient inversée, puisqu’il arrivait souvent à l’enfant de materner l’adulte. Ce ne fut peut-être pas une enfance joyeuse selon les critères traditionnels, mais Aure s’en souvient cependant avec bonheur…
Comment vous est venue l’idée de ce récit ?
J’avais déjà écrit pour le cinéma, mais depuis longtemps je rêvais de me lancer dans un livre. C’était comme une sorte de fantasme. Je voyais mon ado de fille, mon compagnon, moi et je pouvais constater que nous avions des manières d’aborder la vie de manière différente. Grâce à mon enfance, je suis peut-être plus indépendante que d’autres, mais aussi plus fragile. Mais le fantasme s’est concrétisé grâce à une éditrice qui avait lu un portrait de moi dans Libération et qui était intriguée par les deux ou trois mots que j’avais dit sur ma mère.
Ecrire un premier livre, c’est toujours difficile ?
Très. Je n’ai d’ailleurs pu avancer que lorsque j’ai compris qu’il fallait que j’écrive sans me juger. Je me sentais démunie, j’avais l’impression d’avoir à ma disposition deux cents mots de vocabulaire ! J’ai alors essayé de me montrer le plus sincère possible et comme lorsque je travaille un rôle, d’écouter ma musique. J’avais envie d’une succession de scènes entre une mère et sa fille, et que l’écriture évolue et grandisse avec le personnage.
Votre enfance ne fut pas banale. Aux yeux de certains elle pourrait même passer pour malheureuse. Mais pourtant vous le contestez…
Je ne suis pas Cosette et j’ai eu l’impression de mener une enfance très heureuse. Je vivais dans la fusion avec ma mère, cela me plaisait. En écrivant, j’ai pris de la distance, j’ai mieux compris certaines choses, j’ai été heurtée par d’autres, comme lorsqu’elle a rapporté ce meuble d’un voyage, un meuble rempli de sachets d’opium. Elle aurait pu se faire arrêter, se retrouver en prison. Et moi dans tout ça ? Evidemment, elle était en décalage avec les autres parents. Je savais, je sentais que ce n’était pas normal, mais j’étais trop petite pour dire stop. Et, ce qui est très important, je n’ai jamais douté qu’elle m’aimait. Je voulais raconter une enfance différente, mais aussi défendre cette éducation libérale…
Votre mère était talentueuse, et pourtant elle n’a pas eu l’existence à laquelle elle aspirait… N’avez-vous pas une impression de gâchis ?
C’était une femme très intelligente, avec beaucoup d’instinct. Elle est la première de sa famille à avoir quitté le Maroc pour venir en France, puis elle a fait venir ses sœurs, elle s’occupait de tout le monde. Mais il est vrai que, dans son ivresse d’indépendance, elle s’est souvent fourvoyée. Et puis il y avait le problème de la drogue, et elle rêvait sa vie plus qu’elle ne la concrétisait
Aujourd’hui, vous avez du succès, vous vivez dans un bel appartement… On est très loin de votre enfance bohême non ?
Oui, mais je ne veux pas oublier d’où je viens. Et effectivement, l’aventure au coin du couloir me manque parfois même si, lorsque j’écrivais, je replongeais dans des scènes qui étaient parfois difficiles à supporter…
Et votre père ? C’est un peu le grand absent de ce livre…
Ce sera une autre histoire à raconter. Mais cette fois j’aimerais en faire une fiction…
Propos recueillis par Pascale Frey