en partenariat avec HarperCollins
Rencontre avec Emelie Schepp
Suspense et mélancolie nordique
Emelie Schepp est la nouvelle polardeuse venue du froid. Elle est déjà un phénomène chez elle, en Suède. La France la découvre aujourd’hui avec, «Marquée à vie», le premier volume d’une série qui a pour héroïne une femme procureur. Elle répond à nos questions.
« Marquée à vie » est votre premier roman. Que faisiez-vous avant de devenir écrivain ?
Enfant, j’écrivais beaucoup et souvent, imaginant mes propres histoires, tenant mon journal intime, participant à des concours de nouvelles. Après avoir travaillé dix ans dans la publicité, je me sentais fatiguée de ce métier, je voulais quelque chose de différent et surtout je voulais écrire à nouveau. J’ai toujours aimé les histoires à suspense et il fut tout de suite évident que c’est cela que j’écrirais. J’ai commencé à étudier toutes sortes d’auteurs, à analyser leurs personnages, les dialogues, et après deux mois de lecture intensive, je me suis sentie prête à me lancer. Mais comme je travaillais encore à plein temps, j’ai commencé à écrire la nuit. Chaque soir, à 20h, je m’asseyais devant mon ordinateur. J’ai commencé en mai, et en septembre de la même année, je terminais une première version.
Avez-vous trouvé facilement un éditeur ?
J’ai envoyé cette version à la plus grande maison d’édition suédoise et j’ai attendu. En général, cela prend au moins trois mois avant que vous puissiez espérer une réponse, mais deux semaines plus tard, je recevais une lettre. Je n’étais pas à la maison, mais mon mari m’a immédiatement appelée. Il ne l’avait pas ouverte, mais on était déjà en train de sabrer le champagne et d’investir dans une maison en France, même si au fond j’étais persuadée qu’une réponse aussi rapide ne pouvait être que celle-ci: « Merci, mais non merci! » Et c’est effectivement ce qui se passa. J’ai continué à attendre, sans obtenir aucune autre réponse. J’ai alors décidé d’appeler chaque maison et de leur demander si quelqu’un avait pu lire mon roman. On m’a répondu que non, pas encore, etc. Je me sentais un peu déprimée. Que ferais-je si tout le monde me disait non? Est-ce que j’abandonnerais? Pas question. Je me disais qu’il devait y avoir un moyen plus rapide d’être publiée. J’ai cherché des alternatives sur internet et j’ai découvert l’auto-édition. C’était décidé, je ferais mon propre succès. Aujourd’hui, je suis l’auteur auto-édité qui a vendu le plus de livres, 800.000 exemplaires dans vingt-neuf pays.
L’un des thèmes de votre roman est l’immigration et les réfugiés. Est-ce que le genre policier est un bon moyen pour parler de sujets sérieux ?Comme pour beaucoup d’autres auteurs de policiers, mes livres reflètent le monde et la société dans lesquels je vis. La littérature criminelle suédoise explore souvent des domaines très sombres, elle est souvent concernée par des thèmes sociaux. A l’évidence, les lecteurs ont une fascination pour ce que nous appelons la « mélancolie nordique », une combinaison de la nuit dans laquelle nous vivons tout l’hiver, du temps froid et des paysages isolés. Et je pense que mes livres s’inscrivent dans cette tradition. Je suis consciente que les lecteurs des autres pays ont une idée romantique de la Suède, ils imaginent que c’est le meilleur endroit où vivre, et sans doute sont-ils un peu choqués de découvrir que la Suède est une société où la violence, la corruption et le meurtre existent aussi. Mes histoires sont basées sur des événements réels, mais je panache avec de la fiction.
A l’origine de votre roman, y a-t-il une histoire vraie ?
Dans « Marquée à vie », je voulais écrire sur une femme un peu bizarre. Mais je ne savais pas à quel point elle serait bizarre avant que je lise un article sur les enfants-soldats. En 2012, la télévision suédoise diffusa un documentaire sur Joseph R. Kony, qui provoqua de nombreux débats. Ce leader d’un groupe de guerilla opérait en Ouganda. Il avait été accusé par différents gouvernements de kidnapper des enfants et de les transformer en soldats. Je me suis alors posé la question de savoir ce qui se passerait s’il y avait des enfants soldats en Suède. Je me suis alors demandé où pourrait-on kidnapper des enfants en Suède sans que leur disparition ne fasse la une des media ? Un soir, je regardais les nouvelles où on parlait d’un camion avec un container qui s’était renversé sur l’autoroute. Lorsque la police est arrivée, elle a trouvé des réfugiés dans le container. Personne ne savait qu’ils étaient entrés en Suède. Je suis allée sur le port de Norrkoping et j’ai vu des milliers de containers. J’ai réalisé que n’importe quoi pourrait être caché dedans, y compris des enfants. J’ai alors imaginé une histoire sur une petite fille venue en Suède, cachée dans un container, avec le rêve de commencer une nouvelle vie dans un nouveau pays. Mais lorsque l’on a ouvert le container, le rêve s’est transformé en cauchemar.
«Marquée à vie» est le premier volume d’une série. Est-ce que le personnage de Jana sera aussi important dans chaque livre ?
De nombreux lecteurs sont fascinés par Jana. A cause de sa personnalité peut-être, ou plutôt de sa double personnalité. D’un côté elle est une procureur célèbre et reconnue, qui travaille dur pour maintenir l’ordre et la loi. Et de l’autre, elle est une combattante qui n’hésite pas à briser ces mêmes lois pour cacher son sombre passé. Jana n’est pas inspirée d’une véritable personne, mais d’un mélange de plusieurs femmes.Mais elle sort avant tout de mon imagination. Tout au long de la série, Jana Berzelius va lutter contre son passé et essayer de trouver qui elle est vraiment.
Lire notre chronique de « Marquée à vie »