i n t e r v i e w
Timothée de Fombelle
« Je suis arrivé où je n’espérais même pas aller »
Après « Vango » et Tobbie Lolness », qui sont des romans pour adolescents, « La Bulle », un album destiné aux enfants, Timothée de Fombelle publie « Neverland », son premier roman pour adultes. À la manière de Don Quichotte, il se met en scène et part en quête de l’enfance, monté sur un cheval, flèches et carquois sur le dos. Il embarque le lecteur pour une grande aventure au pays d’un paradis perdu…
Ce premier roman pour les adultes, est-ce un tournant dans votre carrière d’écrivain ?
Il y a bien cette curiosité d’explorer ce que je ne connais pas… mais cette quête de l’enfance, j’avais envie de la destiner aux adultes, et plutôt que de discourir, simplement la montrer. Mais je ne dirai pas que c’est un tournant, car j’ai aujourd’hui d’autres projets en tête destinés à la jeunesse.
Comment est né « Neverland » ?
Le « vertige de l’enfance » que j’utilisais dans mes livres me travaillait depuis très longtemps, et j’ai eu envie de l’aborder frontalement. Le projet est né en cherchant d’où venaient mes histoires, quelles étaient leurs sources communes et en réalisant que c’était l’enfance. C’est cela qui m’a donné envie de partir à l’aventure, à la recherche de cet enfant, caché, enfoui au fond de nous tous et que je côtoie quotidiennement. Et puis, il y a bien un manifeste caché dans mon livre… Pour moi, dans notre société, l’enfance n’a pas beaucoup de place, à part dans certains domaines réservés où il est roi. C’est un désir très fort de réveiller les enfants qui sommeillent dans ces adultes.
Vous écrivez à la première personne, un peu comme dans « Le Livre de Perle ». Puisez-vous dans votre propre expérience pour raconter vos histoires ?
J’avoue que dans « Neverland », je me jette à l’eau ! Le narrateur et l’auteur se confondent, comme un double, bien plus que dans « Le Livre de Perle ». Le narrateur est assez précisément moi et le grand-père du livre est assez précisément le mien… Avec « Le Livre de Perle » et « Neverland », je sens que je suis allé au bout de quelque chose, donc je vais rétropédaler et partir très loin dans une grande saga, dans des projets beaucoup plus éloignés de moi, dans l’imaginaire, dans le passé ou le futur…
Vous vous lancez dans la quête de « capturer l’enfance », de « peindre l’enfance sans attendrissement »… Était-ce difficile ?
Oui, « Neverland » a été difficile et parfois douloureux à écrire ! J’ai d’habitude une certaine aisance, et je croyais partir pour une promenade de santé mais je me suis retrouvé à escalader quelque chose d’extrêmement à pic… En évoquant l’enfance, on remue forcément des souvenirs. Je me trouvais dans ma propre enfance et non dans l’enfance qui m’entourait, je cherchais véritablement le corps de l’enfant. Ce que je peux dire, c’est que je suis arrivé où je n’espérais même pas aller. Je ressens aujourd’hui l’apaisement que je n’ai pas éprouvé en écrivant. Comme je le dis à la fin du livre, « seule la beauté console » : c’est peut-être la beauté que l’on essaye d’atteindre en écrivant qui nous apporte cette consolation, cet objet fini qui est une forme d’aboutissement et donc de satisfaction. Avec mes livres, je cherche à rendre la vie un tout petit peu plus belle.
On prend énormément de plaisir à vous lire… Est-ce le même sentiment qui vous habite lorsque vous écrivez ?
Le chemin de lecture et de l’écriture se ressemblent vraiment, surtout lorsqu’on essaye comme moi, d’emmener le lecteur avec soi. Lorsque j’écris, je suis au plus près de ses sentiments et je passe à peu près par les mêmes montagnes russes ! C’est comme une pompe qui s’amorce et qui va chercher d’autres enfances, aussi différentes soient-elles…
Propos recueillis par Mathilde Dondeyne