Le Nuage vert
illustration Brigitte Lannaud Levy
Quand Eléonore Calvez a ouvert sa librairie 100% dédiée à la littérature imaginaire en janvier dernier, elle est venue combler un manque sur la rive gauche de la Seine. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce type d’enseigne spécialisée n’existait que sur la rive droite. Et pourtant le Quartier latin avec son lot d’étudiants est un environnement tout à fait propice pour ce genre qui réunit science-fiction, fantastique, anticipation, uchronie, horreur, steam punk…. C’est dans les lectures de sa jeunesse qu’Eléonore a trouvé le nom de la librairie. « Le nuage vert » est le titre d’un roman post-apocalyptique pour les jeunes d’Alexandrer Sutherland Neill qui avait marqué son imaginaire d’enfant. Ce roman, épuisé aujourd’hui, a été écrit par le fondateur de l’école alternative Summerhill. Eléonore veut aussi faire découvrir les auteurs français de ce genre littéraire. Les gens oublient souvent que dans l’imaginaire il y a d’excellents écrivains venus de l’hexagone. Rencontre avec une jeune libraire qui revendique d’être avant tout une grande lectrice du genre qu’elle défend.
Quel roman nous recommandez-vous ?
« Calame » de Paul Beorn (Bragelonne) , un dyptique de Fantasy écrit par une jeune auteur français, dont le premier tome s’intitule « Les deux visages ». L’histoire démarre à rebours. Après un an de guerre civile contre un tyran, le chef légendaire de la rébellion est tué. Sa lieutenante doit être exécutée, mais peut avoir la vie sauve, le temps qu’elle raconte l’histoire de son chef vaincu. Un roman très original avec des personnages inoubliables et qui vous rend impatient de lire la suite
Et du côté des auteurs étrangers, que nous conseillez-vous ?
« Les livres de la terre fracturée » de Nora K. Jemisin. Prix Hugo en 2016, c’est une trilogie qui mélange Fantasy et Science Fiction. On est plongé dans une époque où la terre tremble au risque de causer des interminables hivers qui menacent la civilisation. Les orogènes ont le pouvoir de dompter les séismes et à ce titre devraient être vénérés. Mais c’est tout le contraire, ils sont persécutés et doivent se cacher. Ce qui est intéressant dans cette trilogie, c’est le traitement de l’imaginaire où on essaie de comprendre comment la civilisation en est arrivée là, à cette situation apocalyptique.
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée ?
« Station : La chute » de AL Robertson. (Denoël). C’est un thriller cyber punk qui se situe dans un monde hyper connecté. La guerre logicielle entre les intelligences artificielles rebelles de la totalité et l‘humanité a fait rage pendant sept ans. La terre est un champ de ruine. Le héros n’a que quelques semaines à vivre avant que son corps ne soit donné à une intelligence artificielle qui effacera irrémédiablement son esprit et le condamnera au néant. Un roman captivant.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Il y en a deux, je n’ai pas réussi à choisir. Tout d’abord « Plaguers » de Jeanne-A Debats. (L’Atalante). Un livre pour ados à partir de 15 ans et adultes. Sur la terre, épuisée écologiquement, les animaux se sont éteints et l’air est devenu irrespirable. Y apparaît une maladie, la plaie qui atteint les adolescents et leur donne le pouvoir de contrôler les éléments, ou créer des animaux. Le monde les rejette pour leur différence. Une histoire post apocalyptique très réussie, avec des personnages inoubliables.
Et le deuxième, « Les abîmes d’Autremer » de la trilogie des abîmes de Danielle Martinigol (Mango)
Destiné aux lecteurs à partir de 11 ans, c’est un roman de science-fiction écologique, une satire du pouvoir médiatique. L’histoire d’une jeune fille qui assiste son père grand reporter qui tente de percer les mystères de la planète océan d’Autremer d’où sont originaires les Abîmes , des vaisseaux hors du commun. Mais ils vont affronter la résistance des habitants qui ne veulent pas dévoiler leurs secrets. Une histoire forte sur les médias, l’éthique journalistique, le droit à la vie privée.
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Dans ma spécialité, je suis souvent très frustrée, car il y a beaucoup de séries et parfois avec le nombre de nouveautés à découvrir sans cesse, je peux lire un tome, mais pas la suite. C’est ainsi que je trépigne d’impatience d’aller au bout de la trilogie dystopique du «Dernier homme» de Margaret Atwood. J’ai lu les deux premiers et j’ai hâte de me plonger dans «MaddAdam».
Une brève de librairie.
« La horde du contrevent » de Alain Damasio et « Fais de beaux rêves Chthulhu » de Jason Ciamarella, sont deux livres que je laisse constamment en vitrine depuis l’ouverture de la librairie, car ils déclenchent des réactions fortes sur les passants, les incitent à entrer dans la librairie et à acheter des livres. Le premier qui est un roman culte vient d’être adapté en BD et a fait l’événement. Le second, interpelle par son titre et son illustration, les adultes l’achètent pour les plus petits. Ces deux ouvrages sont devenus mes livres porte-bonheur et font partie des meilleures ventes de la librairie. Du coup je ne les bouge pas, ils restent là comme des fétiches.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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