illustration Brigitte Lannaud Levy

Elle porte le nom d’un vent de noroît qui souffle en rafale. Et ce n’est pas étonnant, cette librairie se situe en région Nord-Ouest, au cœur de l’une des plus importantes villes portuaires de notre pays : Le Havre. Pour la trouver, ce n’est pas difficile, vous demandez le Volcan, ce centre culturel conçu par Oscar Niemeyer, que les Havrais surnomment « le pot de Yaourt », elle est à deux pas. Faites-y escale, c’est un véritable refuge: des canapés pour se poser, un salon de thé pour se restaurer et un vaste espace de 1300 mètres consacré aux livres. Rendons hommage à Gilles et Françoise de La Porte qui, en 1982, ont créé ce lieu unique, qu’ils ont transmis à leur dynamique directeur et ami Serge Wanstock, fin 2010. Leur ambition était de proposer aux Havrais une librairie généraliste « où l’on se sent bien et où on a envie de revenir ». Pari réussi, car plus qu’une librairie, La Galerne est un lieu de rencontres. C’est Anne-Lise Duchemin, libraire  ici depuis vingt-six ans, qui nous accueille pour nous confier ses bons conseils de lecture.

Le roman français qui vous a particulièrement marqué en cette rentrée:
« La carte des Mendelssohn » de Diane Meur (Sabine Wespieser). Le roman d’une obsession: celle d’une œuvre littéraire construite autour de l’incroyable famille Mendelssohn. Cette obsession, l’auteur l’a cartographiée au sens littéral du terme. D’ailleurs, j’aimerais bien voir cette carte en vrai. Un livre d’une originalité folle, riche d’enseignements.

Votre coup de cœur en littérature étrangère ?
« Tous nos noms » de Dinaw Mengenstu (Albin Michel). L’histoire d’Isaac un jeune Ougandais boursier parti étudier au fin fond du Midwest sur un campus. Il y rencontre Helen, une jeune assistante sociale qui tombe amoureuse de lui. Un livre mélancolique et désenchanté sur l’exil, le déracinement. Un puissant roman d’amour et de politique. À découvrir.

Le premier roman de cette rentrée que vous préférez
« La cache » de Christophe Boltanski. (Stock). Un livre d’émotion absolue qui raconte l’histoire d’une famille extravagante. Alors qu’elle aurait pu être un vrai carcan pour ses membres, elle a offert à chacun une incroyable liberté, celle de créer et d’être tout simplement.  Il y a des pages de toute beauté dans ce texte. Et une humanité profonde autour de personnages, tout simplement inoubliables.

Le livre emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur
On a pas moins de huit tables consacrées aux incontournables de notre fonds. Je pourrais vous citer « Les chaussures italiennes » de Henning Mankell, « Le manuscrit trouvé à Saragosse » de Jan Potocki ou encore un ouvrage d’Erri De Luca. Mais mon choix s’arrêtera sur « D’autres vies que la mienne » d’Emmanuel Carrère (P.O.L). C’est un livre essentiel sur la transmission, l’amitié, l’amour, sur comment se défaire de son nombrilisme, de son égoïsme et s’engager dans un combat humaniste.

Quel a été pour vous le grand livre de l’été ?
Il y en a deux : « Faillir être flinguée » de Céline Minard (Rivages) qui nous a embarqués au Far-West et « Les mémorables » de Lidia Jorge (Métailié) qui nous fait revivre la révolution des œillets.

Une brève de librairie
Il y a quelques années, je croise assis sur le trottoir dans la rue, un ancien client de la librairie. Il faisait la manche. Pendant plusieurs mois, je me suis arrêtée pour prendre le temps de parler avec lui. Puis il a disparu. Un an après, on me demande à l’accueil, c’était lui avec un sac rempli de livres. Il s’était reconstruit une vie, j’étais soulagée pour lui. Il me sort alors un livre qu’il avait choisi tout spécialement pour moi, pour me l’offrir, en me disant avec un sourire « On a passé de bons moments ensemble ». C’est mon plus beau souvenir en vingt-six ans de librairie.

Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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La Galerne
148 rue Victor Hugo
76600 Le Havre