Lire ou relire Pat Conroy
Il y a quelques mois, Pat Conroy apprenait qu’il souffrait d’un cancer du pancréas. Il est mort vendredi 4 mars, à l’âge de 70 ans. Tous ceux qui apprécient cette littérature populaire, dans laquelle les Américains excellent, aiment ses livres. Ceux qu’à mon avis il faut absolument lire sont : « Le prince des marées », qui l’a rendu célèbre (et cela notamment grâce au film de et avec Barbra Streisand, et Nick Nolte), « Beach music » et son récit autobiographique « Saison noire ». Plus qu’un style, il y a une griffe Pat Conroy, une recette savoureuse: de la nostalgie, beaucoup de mélodrame et un happy-end très happy. Mais tout tient au dosage, bien sûr: éviter la fadeur sans tomber dans l’indigeste, échapper à l’ennui tout en restant crédible. Et ça, Pat Conroy le réussit mieux que quiconque. Dans « Le prince des marées », on découvre l’existence du héros et les mystères qui l’entourent grâce au divan d’une femme psychanalyste. Avec « Beach Music », la mort de l’épouse du narrateur nous expédie au coeur des années 60, en pleine tourmente vietnamienne. Shyla, belle, jeune, aimée et amoureuse, se jette du haut d’un pont, laissant un homme et une fillette éplorés. Pourquoi s’est-elle suicidée? C’est ce que veut comprendre Jack McCall, son mari, qui se sent responsable de cette tragédie. Enfin, le plus ouvertement autobiographique de ses livres, s’intitule « Saison noire ». Si nous n’apprenons rien des trois mariages de Pat Conroy, ni de beaucoup d’autres choses qui forment une vie, nous découvrons tout en revanche sur cette année décisive de 1966-1967, celle de son dernier match de basket et de son choix de devenir écrivain professionnel sans plus se soucier de ce que son père pourrait faire ou dire contre lui. Le basket tient une place essentielle dans ce livre, mais les longues descriptions de matchs sont étonnement passionnantes même pour celui qui n’a jamais vu un panier de sa vie. Car chaque nouvelle partie est pour le jeune homme une manière de lutter contre le cyclone que fut son enfance. «Le basket m’a empêché de regarder en face ce garçon abîmé qui faisait rebondir un ballon au lieu de tuer son père. C’était aussi l’unique langage ou presque qui permettait à un père et son fils de se parler. S’il n’y avait pas eu le sport, je crois que mon père ne m’aurait jamais adressé la parole», écrit Pat Conroy. Jusqu’alors, on ne pouvait imaginer l’enfer qu’il vivait à la maison. Il n’y a aucune rancoeur dans ce récit, juste les regrets pour cette enfance détruite et de la nostalgie pour ce ballon qui, d’une certaine manière, lui sauva la vie. Et le poussa écrire.
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