Après « Saccage », un premier roman post-apocalyptique, Quentin Leclerc revient avec une autre dystopie dans laquelle on reconnaît l’influence de Kafka, de Beckett et même d’Homère. On pense aussi au film « Un jour sans fin » et aux jeux vidéo. Avec tout ça, on ne sait pas bien si l’on doit rire ou pleurer ; en tout cas, l’inquiétude règne.
Bram s’est levé un matin avec l’intention de se rendre à la ville pour acheter ses médicaments. Comme d’habitude, il attend le seul bus de la journée dans son coin de campagne, mais ce jour-là, les pneus du véhicule sont crevés, et le chauffeur est exaspéré. Un dilemme se pose à nos deux personnages : attendre que quelqu’un passe ou commencer à marcher en direction de la ville. C’est finalement au bistrot du village que chauffeur et passager vont noyer leur contrariété, pendant qu’au loin, la ville a commencé de fondre, sans que ni l’un ni l’autre ne s’en soient aperçus. C’est le début de la fin ; nombreuses sont les embûches sur leur chemin : morts violentes, prise du village par une milice, mise à feu du bus, emprisonnement arbitraire, retours à la case départ, sans compter des porcs en liberté, un fermier suicidaire, des amazones peu amènes, et un grand trou où tout le monde croit trouver son salut…
Un seul but anime Bram, gagner la ville pour y faire ses courses. A cette fin, il utilise tous les moyens de locomotion à sa disposition, car malgré le chaos et la violence, la ville apparaît comme l’horizon salutaire. Mais le voyage prend plus de temps que prévu ; Bram trace la route de nuit, s’endort, se réveille au matin, et tout recommence à l’envers ; les personnages, réduits à leur seule fonction sociale, agissent de façon contradictoire, les morts sont des revenants, et les bons se révèlent être les méchants. Où se situe la frontière entre illusion et vérité ? Bram rêve-t-il ou est-il dans le déni de la réalité ? Sans compter que le soupçon contamine le langage : comment dire la réalité si l’outil se dérobe aussi ? Ce roman inclassable parle du monde qui se délite et de la société qui s’engouffre inconsciemment et comme un seul homme dans le néant. L’homme voué à l’enfer dantesque ou à la répétition éternelle du pire sera-t-il sauvé par le comique ou l’absurde ? A lire !