Ce livre est un cadeau et un défi. Une déclaration d’amour à la littérature, une invitation à laisser libre cours à son imaginaire. Un cadeau pour les yeux avec sa magnifique couverture aux motifs hallucinatoires, comme pour mettre le lecteur en condition avant de le jeter dans la grande aventure des mots. Un cadeau pour l’esprit, de ceux qui font tourner les pages et s’émerveiller au vu d’une telle imagination et d’une telle verve romanesque. Mais ce livre est un défi pour qui s’avise de vouloir le raconter…
Une chose est sûre, mieux vaut avoir gardé un peu de son âme d’enfant et une certaine nostalgie pour les histoires de Jules Verne et consorts. Ici, pas de littérature réaliste, rien de factuel, rien à voir avec les récits contemporains autocentrés qui peuplent les rayons des librairies. Il faut être prêt pour l’aventure, ouvert à toutes les invraisemblances, bref, il faut être prêt à croire. L’auteur brouille tous les repères, empruntant au passé et au futur, au gré de sa fantaisie. Le lecteur, lui, se laisse prendre au jeu, curieux de savoir comment les fils narratifs vont se rejoindre. Il se laisse faire, pas tout à fait dupe, ravi de retrouver un peu de cet émerveillement de l’enfance, cette période où les adultes inventaient pour lui les histoires les plus extraordinaires.
« Toute phrase écrite est un présage. Si les événements sont des répliques, des recompositions plus ou moins fidèles d’histoires déjà rêvées par d’autres, de quel livre oublié, de quel papyrus, de quelle tablette d’argile nos propres vies sont-elles le calque grinçant ? »
Nous suivons donc le périple de Martial Canterel, une sorte de dandy accro aux substances illicites et son ami Holmes (John Shylock), descendant de l’illustre détective mais employé chez Christies au service des restitutions. Les deux hommes se lancent sur la piste d’un énorme diamant, l’Ananké dérobé à Lady Mc Rae qui se trouve être une ancienne amie de Canterel avec lequel elle a même eu une fille qui malheureusement joue la belle au bois dormant depuis huit ans. Flanqués de leurs assistants respectifs, Miss Sherington et Grimod de La Reynière, croustillants personnages, les voilà partis à la poursuite d’un criminel à la renommée internationale, l’Enjambeur Nô dans un périple qui les mène sur terre, dans les airs et sur les mers jusqu’à l’Ile du Point Nemo, perdue au milieu de nulle part et ne figurant sur aucune carte. Pendant ce temps, les employés d’une ancienne fabrique de cigares dans le Périgord subissent les aléas de la conjoncture économique qui transforme leur entreprise en usine de liseuses électroniques, B@bil Books. Le directeur, M.Wang a décidé de maintenir la tradition, importée des Caraïbes par les cigarières venues former les employées françaises, de lecture à voix haute rythmant ainsi le travail dans l’usine qui tourne à plein régime en vue des fêtes de fin d’année.
Rassurez vous, tout ceci est parfaitement logique et peu à peu, la lumière se fait jour dans l’esprit du lecteur. C’est une véritable prouesse narrative à laquelle se livre Jean Marie Blas de Roblès qui ne se contente pas de laisser libre cours à son imagination mais campe des personnages hauts en couleur, effleure nombre de questions de société et de gouvernance et se moque gentiment des esprits claniques. Il rend un hommage appuyé aux livres, aux histoires et aux écrivains qui ont su les mettre en musique et les inscrire dans quelque chose qui ressemble à un imaginaire collectif.
Franchement, c’est magistral et, vous savez quoi ? Ce bouquin mériterait de se trouver aux pieds de tous les sapins du prochain Noël !
Retrouvez Nicole G. sur son blog