Marcus Malte nous livre un roman ambitieux sans afféterie ni lourdeur, le roman d’une vie qui entre incognito dans le 20e siècle, fait l’apprentissage de son humanité avec ce qu’elle a de meilleur et de pire, en s’inscrivant dans l’Histoire et dans une traversée des espaces.
Le garçon n’a pas de nom, il est muet et vit avec sa mère au fin fond d’une forêt dans le sud de la France. C’est presque un enfant sauvage, ignorant du monde et de ses semblables, n’ayant eu de contact qu’avec sa mère qui meurt dès les premières pages. A 14 ans, le garçon se met en marche et ne s’arrêtera plus. Il atterrit d’abord dans un hameau, où on l’exploite avant de le chasser, puis il rencontre Brabek, un lutteur au grand cœur qui trimballe sa roulotte de village en village pour des démonstrations de force. Ensemble, ils feront un bout de chemin, le temps que le garçon retienne les leçons d’humanité du saltimbanque magnifique. Par hasard toujours, il entre dans la vie des Van Ecke père et fille ; chez eux il devient Félix, comme le Mendelssohn des « Romances sans paroles », et c’est avec Emma, son étoile, d’abord sœur puis amante, qu’il vivra ses plus belles années, découvrant la vie parisienne de la Belle époque, avant d’être confronté à la boucherie de la Grande Guerre.
Ce que l’on aime particulièrement dans ce beau roman, ce sont les histoires intimes racontées et transmises au garçon, dépositaire idéal des secrets et fidèle gardien des sentiments. Notre héros observateur est accompagné par des personnages inoubliables et un narrateur omniscient qui se place à hauteur d’homme et pose régulièrement les jalons historiques. Tour à tour conte, roman initiatique, roman d’amour et roman de guerre engagé, d’une lecture très fluide et envoûtante, « Le Garçon » nous fait voyager, rire, pleurer et réfléchir à la définition d’une civilisation capable de progrès et de barbarie, de cruauté et de beauté. Un roman humaniste justement couronné par le prix Femina 2016.