Au départ, l’écrivaine Bérengère Cournut dit avoir eu l’idée d’un roman sur l’absence ; c’est à la faveur d’un voyage aux Etats-Unis qu’elle découvre les Hopis, une tribu indienne d’Arizona. Elle se prend de passion pour ce peuple et trouve son paysage romanesque sur les « mesas », ces immenses plateaux désertiques. Voilà comment est « Née contente à Oraibi » : dépaysant et magnifique.
Une histoire intemporelle
Fondée vers 1150, Oraibi serait la plus vieille ville habitée des Etats-Unis, mais chez les Hopis (littéralement « peuple de la paix »), il n’y aurait pas de mot exprimant le temps, et de fait l’histoire de la narratrice est intemporelle. Issue du clan du Papillon, Tayatitaawa raconte son enfance et son adolescence au sein de cette société matrilinéaire où les rites scandent les saisons. Son père, tisserand selon la coutume hopi, lui donne très jeune le goût de la marche et de l’observation ; il est son guide spirituel, et Tayatitaawa l’écoute avec passion lui raconter l’origine de leurs croyances, les histoires et la cosmogonie de leur ethnie. Aussi, à la mort prématurée de celui-ci, le monde de la jeune fille s’écroule sous le poids de la douleur. Entre sa mère, une personnalité du clan, et son frère indépendant, Tayatitaawa se cherche, refuse sa féminité et échoue à trouver sa place. Pour guérir son mal de vivre et étancher sa soif de liberté, elle devra puiser la force d’être elle-même dans une expérience personnelle et mystique.
Un conte initiatique
Bérengère Cournut, sans tomber dans l’ethnographie, donne à son style dépouillé la couleur et la chaleur des paysages arides de l’Arizona des Pueblos à travers une lumineuse poésie narrative. Ici le désert ne recèle pas seulement des pierres, il est riche des aventures et des mystères de ceux qui l’habitent. Ce beau roman possède le souffle et l’universalité des contes initiatiques, et tout en faisant évoluer des personnages vraiment attachants, pose les questions de la singularité et de l’émancipation avec une grande acuité. Une très belle réussite.