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Pirate des CaraïbesAprès le succès du « Voyage d’Octavio » paru en 2015, le jeune auteur Miguel Bonnefoy, qui a grandi au Venezuela et au Portugal, nous régale avec « Sucre noir », exaltant notre goût pour les chasses au trésor et les contes de notre enfance. Alors, à l’aventure ! Un trésor de pirate « Le jour se leva sur un navire naufragé, planté sur la cime des arbres, au milieu d’une forêt » : c’est la première phrase de ce roman, poétique et mystérieuse à souhait. La frégate du célèbre pirate mais piètre capitaine Henry Morgan s’est échouée sur un manguier géant. Agonisant sur son trésor volé tel un harpagon des Caraïbes, le boucanier à la triste réputation laisse bateau et équipage en perdition sombrer dans une nature luxuriante et sauvage. Trois siècles plus tard, la modeste famille Otero possède une ferme sur l’emplacement légendaire, qui attire sans succès les chercheurs d’or et les aventuriers en tout genre. Le lecteur suit les heurs et malheurs des trois générations qui cultivent la canne à sucre et fabriquent du rhum, sous la houlette des femmes de la famille qui font prospérer la propriété. Pour tout l’or du rhum A manière d’un conte teinté de réalisme magique, ce roman illustre la célèbre morale de La Fontaine : « travaillez, prenez de la peine… », tandis que la cupidité et l’épuisement de la terre sont punis par la faillite, ce qui résonne particulièrement avec l’actualité vénézuélienne. Miguel Bonnefoy fait jaillir d’une écriture fluide des descriptions somptueuses, des personnages bien campés, et nous entraîne dans un roman d’aventures aux influences multiples, ne se privant pas de clins d’œil à Flaubert, Bernardin de Saint-Pierre, Garcia Marquez ou Isabel Allende. C’est là un des grands plaisirs de lecture de ce roman rondement mené, qui découvre l’âme d’un pays tout en restant sur le même morceau de terre convoité pendant des siècles.
Les internautes l'ont lu
Evasion sous le soleil flamboyant des Caraïbes. Entre fable et roman nous tanguons furieusement comme dans le bateau du pirate Henry Morgan. On entre dans le roman avec un brin de fantaisie perché dans un arbre dans le bateau du célèbre pirate avec à son bord un immense trésor … Trésor qui ne sauvera pas cet homme qui sombrera avec lui dans les marécages de l’île… On redescend vite sur terre et plus précisément sur les terres de plantations de cannes à sucre de la famille Otero. La vie sur ces terres n’est pas trépidante comme celle des flibustiers, ici c’est le labeur, la lenteur et la langueur de la vie des agriculteurs de l’époque. Ce couple aura un enfant, une fille, Serena qui par son caractère mettra un peu de piment dans cette vie sans relief proposée dans la ferme familiale. J’ai aimé l’esquisse du portrait de cette femme proche de la nature et de la terre et j’ai été frustrée que Miguel Bonnefoy ne poursuive pas plus en avant ce côté naturaliste . Elle va rencontrer Severo Bracamonte qui vient sur la plantation de ses parents pour rechercher le fameux trésor des pirates. Si au départ ce n’est pas gagné, ils vont finalement construire un couple. Severo trouvera finalement son trésor en la personne de Serena. » Il parla de son destin, de sa passion, rappelant qu’il était un chercheur d’or et que, comme tout chercheur d’or, il ne serait un homme que lorsqu’il aurait sorti un trésor du fond de la terre. Serena le fixa longtemps, sans ciller et lui répondit avec une sagesse orgueilleuse qui n’était pas de son âge : – Imbécile. Tu seras un homme quand tu sortiras un trésor du fond de mes yeux. » Puis arrive Eva Fuego, l’enfant adoptée de Serena et Severo trouvée dans une boite au milieu d’un terrible incendie. » L’enfant qu’ils avaient trouvée sans l’avoir cherchée naquit donc une seconde fois sous le signe du Cancer, dans la chaleur des manguiers, et ils lui donnèrent le prénom de la première femme et du premier élément : Eva Fuego. » Cette fille, puis cette femme va alors prendre toute la place dans le récit et va évincer Serena sa mère d’adoption. A mon désespoir, l’auteur va s’emparer de cette fille de feu, ce personnage de fable à l’emprise tutélaire. Une femme d’affaire furieuse et dictatrice ! Oui, j’ai eu du mal avec la mise de côté de Serena par l’auteur… On saute deux décennies un peu trop rapidement à mon goût. Et de ce fait il m’a été difficile de m’attacher aux personnages… D’autant que le personnage d’Eva Fuego n’est pas là pour nous attendrir ! Arrivée par le feu repartie par le feu ! Mais je ne peux trop vous en dire… Sinon je pourrais vous divulguer la position du trésor… Car oui, je sais désormais où il se cache … Et je sais également qu’un trésor n’est pas forcément fait de pierres précieuses et d’or… » Depuis ce jour où ils s’offrirent la joie douloureuse du passage, pendant dix ans, Severo Bracamonte n’imagina pas qu’il y eût au monde un homme plus enviable que lui et comprit peut-être, dans ses plus téméraires réflexions, que son trésor avait toujours été où son imagination n’avait jamais cherché. » Mais chut ! C’est la quête de chacun. Un livre plaisant à lire mais qui m’a laissé un peu à distance parfois. Quant à vous, partez en quête de ce trésor ! Fable, aventure
Avouez que, pour un capitaine de flibusterie, s’échouer « sur la cime des arbres au milieu de la forêt » a de quoi interloquer et prêter à rire. De rire, les naufragés n’en ont pas envie et ils périssent tous, mutinerie, maladie, accident…. Henry Morgan aurait laissé, comme tout bon corsaire, un trésor qui, enrichi par toutes les histories fait des envieux et donne des ailes aux chercheurs. Les histoires de trésors, de flibustiers ont toujours fait rêver les aventuriers et Severo Bracamonte n’échappe pas à la règle. Invité puis recueilli par la famille Otero. Il est subjugé par la fille, Serena, qui lui fait découvrir que les trésors peuvent être là où on ne les attend pas et n’être pas monnayables. Ils se marieront et agrandit la rhumerie. Une saga familiale, sorte de conte où les différents chercheurs de trésors, un par génération se heurtent toujours à Serena ou Eva Fuego, sa fille adoptive. J’ai préféré son précédent et premier roman, Le voyage d’Octavio. Pas facile d’écrire un second roman après une telle perle. Ceci dit, j’attends le prochain roman car j’aime l’écriture de Miguel Bonnefoy Les vraies richesses…
J’ai lu Sucre noir comme une fable, un conte philosophique écrit dans une langue belle et savoureuse comme une mangue bien mûre, je l’ai dégusté avec un très grand plaisir, me laissant aller aux évocations sensuelles, voluptueuses, quasi liquoreuses qui nous sont offertes. Retrouvez Lucia-lilas sur son blog
coup de coeur
Et vogue le galion
Toute cette histoire tourne autour d’un trésor. D’abord celui d’un navire dont le naufrage qui ouvre le livre est un des plus beaux moments de lecture de ces dernières semaines. Il y a dans ces quelques pages un souffle épique qui ne se dément plus au fil des pages. Ensuite, celui à la poursuite duquel partent successivement les différents personnages du récit. Serena Otero ne court pas après l’or mais après un fantasme. Severo Bracamonte rêve de découvrir le trésor perdu du galion échoué sur les terres de la famille de Serena mais trouvera un havre et une femme. Mateo et Eva Fuego se consument de ne pas atteindre leur idéal fait d’or et d’amour. Chacun cherche son propre trésor sans comprendre vraiment à la poursuite de quoi ils se lancent, sans prendre le temps de se demander ce qui importe dans leur vie. A tour de rôle, ils répètent les mêmes boucles humaines, les mêmes récits, les mêmes aventures. Ainsi de façon cyclique les mêmes événements reviennent comme pour mieux scander la morale de ce conte philosophique et initiatique. On retrouve le Miguel Bonnefoy conteur et ménestrel du « Voyage d’Octavio » avec la sagesse de quelques années supplémentaires, avec une humanité plus grande et un art de la narration plus abouti, mieux construit, plus intelligent encore. Miguel Bonnefoy en revient encore plus que dans son précédent roman à l’humain : on ne cherche jamais aussi bien et aussi profondément, aussi véridiquement, qu’avec son cœur, sans vraiment chercher d’ailleurs ; le hasard est au cœur du récit de Miguel Bonnefoy, sous couvert d’un certain déterminisme, d’une certaine fatalité qui ne sert que de voile pour mieux rendre son histoire et son message mystérieux. Tout comme la canne à sucre n’est qu’un symbole de l’or noir qui secoue le Venezuela et le fait trembler. La fragilité d’un destin, d’un pays, qui vacillent sur leurs fondations, sont au centre du récit de Miguel Bonnefoy qui livre ici, à travers une galerie de personnages, notamment (surtout !) féminins, aussi attachants qu’énervants par moment, aux voix puissantes qui résonnent longtemps dans l’histoire et après avoir tourné la dernière page du livre, portant les messages symboliques que l’auteur veut faire passer, une fable aussi poétique et merveilleuse qu’ancrée dans la réalité. A coup de métaphores, d’images, de paraboles, de références, Miguel Bonnefoy, une fois de plus, explore plusieurs mailles narratives, un point à l’envers, un point à l’endroit, un point de croix, pour esquisser son motif. Il porte son talent au-delà des espoirs que « Le voyage d’Octavio » portait déjà en lui. Il le fait avec une fluidité plus assumée, un naturel plus bluffant, encore. |
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