Michel Abescat (Télérama) a aimé
Boussole de Mathias Enard (Actes Sud) qui vient de recevoir le Prix Goncourt

« La première chose que je dirais de ce roman, c’est qu’il est d’une ambition hors du commun. C’est un livre-monde qui résonne particulièrement fort aujourd’hui au regard de l’actualité, du drame syrien, des réfugiés.

Ce texte se déroule pendant la nuit d’insomnie d’un musicologue autrichien, passionné par l’Orient, et qui vient d’apprendre qu’il est malade. Seul chez lui, il se remémore sa vie, convoque ses souvenirs de voyages, ses rencontres avec des universitaires, les colloques auxquels il a participé, et une femme Sarah, très belle, savante, qu’il n’a jamais cessé de croiser et de perdre, métaphore des relations entre l’Orient et l’Occident. Le livre est construit en 1001 histoires qui s’emboîtent, se font écho, dans un tempo précis, puisque chaque page peut être lue en 90 secondes.

Certains craindront peut-être de se lancer dans un récit aussi érudit, mais il faut accepter de s’y perdre, de se laisser envoûter puis entraîner d’une époque à l’autre, d’un lieu à l’autre. On éprouve un extraordinaire bonheur de lecture, car Mathias Enard est un conteur au savoir généreux. Il est partageur. Avec lui, la connaissance devient jouissance. Le livre, empreint d’une tonalité mélancolique sur ce qui n’est plus, sur ce qui a été abîmé, porte sur les influences réciproques entre Orient et Occident, sur la manière dont le premier a été fantasmé par le second et ce qu’il en reste aujourd’hui. C’est un roman enfin qui montre à quel point il est intéressant de chercher l’autre en soi, à l’inverse du repli sur soi et de la diabolisation de l’autre. Il donne de l’espoir, et apporte un peu de lumière dans cette actualité si sombre.»

Propos recueillis par Pascale Frey
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