illustration Brigitte Lanaud Levy
Parce qu’à l’origine, elle a été créée près des quais à Strasbourg, cette librairie a emprunté son nom au joli titre du roman de Pierre Mac Orlan, « Le quai des brumes » , que Marcel Carné avait adapté au cinéma avec Jacques Prévert au scénario. Cette librairie généraliste, Sébastien Le Benoist y a tout appris. Arrivé comme stagiaire en 2004, il ne va plus la quitter pour en prendre les rênes avec un de ses collègues Arnaud Velasquez en 2014, après le départ à la retraite des fondateurs Francis et Sylvie Barnabé qui avaient créé Quai des Brumes en 1984.
Après un déménagement en hyper-centre et un fort déploiement de la surface de vente, la librairie ne cesse de rayonner et notamment sur les réseaux sociaux où la nouvelle équipe est très dynamique. Si cette dernière continue de cultiver l’esprit d’affirmation de choix personnels forts, le nouveau quartier plus passant offre une plus grande ouverture que cultivent les deux jeunes associés. C’est Sébastien Le Benoist qui nous reçoit pour nous livrer ses coups de cœur du moment.
Quel est le livre de littérature française qui vous a le plus marqué ?
Un roman qui m’a littéralement remué les tripes. : « Le grand marin » de Catherine Poulain (L’Olivier). J’ai pris ce texte, sur l’histoire d’une femme qui part en campagne de pêche à la morue en Alaska, en pleine tête et j’ai ressenti la même émotion qu’en écoutant Brel chanter. Voilà un livre qui chavire littéralement le lecteur.
Et du côté des étrangers ?
« Euphoria » de Lily King (Bourgois). C’est un très beau roman sur les débuts de l’anthropologie dans les années 30. L’histoire d’une femme qui part en couple en Nouvelle-Guinée. On est plongé dans des décors magnifiques. C’est une sorte de Out of Africa avec une histoire d’amour triangulaire, très fleur bleue, belle à pleurer.
Quel est le premier roman qui, selon vous, s’est particulièrement distingué ces derniers temps ?
« Une fille est une chose à demi » (Buchet/Chastel) d’une jeune Irlandaise, Eimear Mc Bride. En tant que libraire, je m’étais dit, bien qu’adorant ce texte, qu’on ne dépasserait pas la vingtaine d’exemplaires vendus, tant ce livre est exigeant. Et puis, ce roman remporte un succès certain avec l’histoire toute simple d’une jeune fille au sein d’une famille brisée dans les années 80 portée de bout en bout par une écriture hachurée, pas loin de la suffocation. Un style puissant et âpre.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Vous m’auriez posé la question il y a dix ans, je vous aurais répondu tout de suite le livre–monde de Tristan Egolf, « Le seigneur des porcheries », pour sa flamboyance, son énergie, sa violence et son côté rock’n Roll. Mais aujourd’hui c’est « Mes amis », premier roman de Emmanuel Bove (L’arbre vengeur).C’est une grande claque. Un homme à la vie étriquée, morne et triste décide de se faire des amis. C’est une déambulation existentielle splendide, portée par un art du détail cinglant sans pareil. Une rareté.
Une brève de librairie :
Je remercie cette fidèle cliente qui est passée samedi dernier. Nous ne l’avions pas vue depuis longtemps, elle était malade et nous en étions bien tristes. Elle est revenue à la librairie, un grand sourire aux lèvres brandissant une ordonnance de son médecin où il était prescrit : « Passage obligatoire à Quai des Brumes ! ».
Propos recueuillis par Brigitte Lannaud Levy
Visitez les autres librairies invitées
Quai des Brumes
120 Grande rue
67000 Strasbourg
03 88 35 32 84
www.quaidesbrumes.com