Rencontre avec Jean-Christophe Grangé
Dix romans, dix best-sellers, qui dit mieux ? Les chiffres de ses ventes sont spectaculaires: 5,5 millions d’exemplaires vendus en France (toutes éditions confondues) et plus de 3 millions à l’étranger. La bonne nouvelle, c’est que ce succès ne lui est pas monté à la tête. La mauvaise: il reste « l’homme invisible pour la presse intelligente », ce qui signifie qu’il n’y aura jamais une ligne sur lui dans « Le Monde » ou « Les Inrocks ». Au début, cela le peinait. Aujourd’hui, cela l’exaspère un peu, sans plus. Jean-Christophe Grangé est devenu écrivain par hasard. « Comme je suis assez traditionnaliste, je me suis marié très jeune. Et il m’a fallu trouver du travail. J’avais suivi des études de lettres, étudié Proust et Flaubert, et je me suis retrouvé dans la publicité, à disserter sur les crèmes anti-vergetures ! J’ai alors rencontré un photographe, qui avait besoin de textes pour illustrer ses photos. Pendant huit ans, je l’ai suivi aux quatre coins du monde. » Lui, l’intellectuel plutôt sédentaire qui ne s’était jamais aventuré plus loin que l’Espagne, se retrouve chez les Esquimaux ou les Pygmées. « J’ai découvert les polars dans l’avion et j’ai été bien obligé de reconnaître que cela me plaisait plus que James Joyce ! » C’est lors d’un reportage sur la migration des cigognes que germe son premier roman. En quelques mois, il termine un manuscrit qu’il propose à quatre ou cinq maisons. Toutes l’acceptent, et il choisit Albin Michel. « Mon éditeur, qui s’attendait à un badaboum, a été un peu déçu. Alors, lorsque je lui ai apporté mon deuxième manuscrit, « Les rivières pourpres », il a décidé de mettre le paquet, de me publier dans la même collection que Mary Higgins Clark, et du jour au lendemain, je me suis retrouvé numéro 1 des ventes. » Son livre a très vite été acheté par le cinéma, l’existence de Jean-Christophe Grangé en a été bouleversée, et le stress a augmenté. « A chaque fois, je me disais que c’était un miracle, que cela ne pourrait pas continuer. Et le succès, s’il est agréable, déséquilibe aussi complètement votre vie. » Cela lui a en tout cas coûté son premier mariage, une dépression, un deuxième divorce, car Jean-Christophe Grangé est un peu comme Elizabeth Taylor: quand il aime, il épouse! Sa nouvelle compagne (mais pas encore femme), Lika, est une mannequin japonaise, dont il s’est inspiré pour « Kaïken », même si elle réfute toute ressemblance! Comment travaille-t-il ? A la façon du reporter qu’il était : » Je débute à partir des connaissances que j’ai déjà, puis je pars en reportage. J’essaie de glaner une foule de détails qui nourriront le quotidien de mes personnages. Cette fois, j’avais envie d’écrire sur le Japon, dont l’extrême raffinement m’a toujours fasciné. Et j’ai découvert aussi que, derrière son apparente soumission, la femme japonaise décide de tout! » Pendant un an, il s’est enfermé et a développé deux idées qui n’avaient apparemment aucun rapport l’une avec l’autre: une Japonaise cache un secret à son mari français; et ce mari, qui est policier, croise la route d’un serial killer hermaphrodite. Mais ce qui reste le plus inquiétant, étant donné les horreurs que Jean-Christophe Grangé décrit… c’est qu’il affirme qu’il s’agit du plus autobiographique de ses romans !
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