3 chapitres, 3 personnages.
Pete l’ancien policier fracassé par le 11 septembre. Il était sur le site, mais… Poussé à la retraite, il fait visiter Ground Zero aux touristes en qualité de victime et d’ancien héros. « Ancien héro, est-que ça existe, ça comme catégorie, est-ce qu’on ne l’est pas une fois pour toutes ? »
Candice, une des nombreuses veuves qui court pour essayer de vivre. Elle a suivi la catastrophe à la télé et a vite su que son amour ne reviendrait jamais « Cela faisait deux ans, déjà, que Candice ne s’en remettait pas ».
Simon (double de l’auteur ?) écrivain français venu travailler sur la thématique de l’absence et du souvenir. Simon, « étranger dans un monde où plus personne n’était vraiment chez soi »
Au départ, il y a un mort, Muhammad Sala ; un des nombreux travailleurs illégaux sur le site de Ground Zero. « La victime ? Ecoutez commandant, ce type était un musulman, et sûrement un clandestin, pas une victime. Victime, c’est un mot qu’on réserve ici à tous ceux qui sont morts dans les tours. »
L’impression d’une ronde infernale autour de Ground Zero. Tout ramène à ce site. Les survivants se cognent sur les parois en verre de la reconstruction comme des insectes sur une vitre. O’Malley enquête et s’ajoute à la ronde.
Thomas B. Reverdy, dans ce livre, parle beaucoup de l’absence de corps et du souvenir. Pete résume ceci : « La mort me saute au visage … Cependant, il n’y a rien à voir –des pierres, des ouvriers, des machines–, rien qu’un trou. Mais c’est cela la mort, n’est-ce pas ? – Un vide, une absence qui dure. » New-York est une ville toujours en construction ou en reconstruction, les tours jumelles n’échappent pas à la règle. Il faut remplir le vide et bienvenue à la Freedom Tower. « Pourquoi construit-on un mémorial ? Pour se souvenir, « en mémoire de », c’est-à-dire en hommages aux victimes, et donc d’abord à l’usage de leurs familles. C’est un gros tombeau. Allons plus loin. Cet endroit désigne la mort pour ne pas qu’on l’oublie. » Quelle relation entre l’absence et le souvenir ? absence des corps et le deuil ; absence et la difficulté de se souvenir. Tout le livre tourne autour de ces sujets comme les 3 personnages tournent autour de Ground Zero.
Toujours ces mêmes souvenirs qui reviennent, ces morts que l’on n’a pas pu enterrer.
Comment faire pour se recueillir alors que tout concourt à l’oubli. A l’emplacement du trou, se construit un nouvel édifice.
Ce roman noir est rythmé par les voix distinctes des protagonistes. Chacun donne ses mots pour parler et au détour de paragraphes, nous avons un cycliste, allié à la mafia russe, qui se faufile dans les rues, sur les toits comme l’ange de la mort.
J’aime l’écriture de Thomas B. Reverdy, puissante, évocatrice que j’avais rencontrée dans « les évaporés ». Il y a, là aussi, cette possibilité de renaissance. Les personnages sont lucides, blessés, mais il y a quand même cette petite étincelle d’espérance, même si…