Les hommes n'appartiennent pas au ciel
Nuno Camarneiro

JC Lattès
octobre 2014
250 p.  20,90 €
 
 
 
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Quêtes intérieures

« – Lorsque le monde fut créé, les hommes furent posés les pieds sur la terre et avec la crainte des hauteurs. Les hommes n’appartiennent pas aux hauteurs, comme les oiseaux et les anges, le vertige nous fut donné par la nature pour que nous ne l’oubliions pas. Les hommes qui montent trop haut sont poussés par le diable, en dessous de tout, vers l’enfer auquel ils aspirent. La force de la terre est celle du diable à attirer les gens. »
Nuno Camarneiro écrit là un premier roman étonnant. Son écriture est poétique, philosophique et spirituelle, elle parle des hommes et de leur nature, de la société et de son emprise, de croyances, de l’attachement aux gens, aux choses et aux lieux, de la connaissance et de la création littéraire. Il s’en dégage beaucoup de sensibilité. Des émotions en-dedans, de l’amertume, de la solitude, de l’errance, des réflexions sur le sens de la vie, de la mort. Des quêtes intérieures.
L’auteur a choisi une construction originale : trois récits s’entrecroisent tout au long du roman, trois vies, trois hommes. On suit ainsi l’histoire de chacun alternativement, un chapître sur trois.
Karl, un jeune immigrant d’Europe Central est laveur de vitres à New-York. On imagine son arrivée en Amérique, plein d’espoir. Licencié, il descend dans les rues de la ville, bruyantes, méfiantes voire agressives. Il marche sans but, le coeur déchiré, déraciné. Karl trouvera une place d’homme à tout faire dans une maison close. Il tombera éperdument amoureux de Célestina, une prostituée, qu’il ne peut posséder, s’évanouissant sans cesse dans d’autres bras.
On découvre Jorge, enfant, qui semble nager dans le bonheur et la plénitude. Il vit à Buenos Aires dans une charmante maison avec ses parents, sa petite soeur Norah et sa grand-mère. Les enfants passent leurs journées dans le jardin, Jorge invente des histoires, rêve de tigres et lit les grands classiques de la littérature. Il déborde d’imagination. Il découvre la réalité avec son entrée à l’école, myope affublé de lunettes, il se sent différent des autres enfants, des petits voyous. Cette confrontation le heurte. Il se rappellera longtemps de Roberto, son petit voisin qui n’avait aucun livre chez lui mais savait se servir de ses poings. Puis, il partira avec sa famille en Suisse où il fera ses études. Il écrira une prose et une poésie traversées de fantastique et d’imaginaire.
Fernando est encore adolescent quand il arrive en bateau à Lisbonne. Il a quitté ses parents pour venir vivre chez sa tante. D’une santé fragile, il passe beaucoup de temps à réfléchir sur le monde et surtout sur lui, sur son cheminement intérieur. Il traîne sa mélancolie dans les rues de Lisbonne, hante les cafés. De plus en plus tourmenté, il écrit son désespoir. Des poèmes emplis de mysticisme.
Durant l’année 1910, deux comètes traversent le ciel, l’embrasant. En bas, les gens ont peur. Ce phénomène céleste étrange inquiète autant qu’il interroge. La mort les frôle… la fin du monde est proche…
Jorge, Fernando et Karl sont bien au-delà de ces craintes, bien loin de ces considérations, préoccupés par leur propre chemin de vie… des personnages singuliers, des figures emblématiques : Borges, Pessoa et Kafka (après quelques recherches, j’ai appris que Karl est le personnage de l’Amérique, premier roman de Franz Kafka). Un hommage de l’auteur à ses trois grands hommes de la littérature, et à travers eux une longue réflexion sur les hommes et leur devenir.
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