La rédaction l'a lu
En quête de véritéNous avons tous, en nous, un lieu proustien dont il suffit d’évoquer le nom pour qu’aussitôt remontent des souvenirs, souvent associés à l’enfance. La madeleine de Jean-Marc Parisis s’appelle la Bachellerie, en Dordogne. C’est dans ce village du Périgord où vivaient ses grands-parents que, gamin (il est né en 1962), il a passé la plupart de ses vacances d’été. Un jour, alors qu’il est en recherche de documents concernant la rafle du Vel d’Hiv, Jean-Marc tombe sur une photo de cinq frères et sœurs raflés et déportés en 1944. Le cliché précise qu’ils ont été arrêtés à la Bachellerie. La déflagration est terrible. Comprendre ce qui s’est passé devient une mission pour Jean-Marc qui décide d’enquêter, de lire tout ce qui a trait à cette époque sombre. Investigations dans les archives historiques, lectures d’ouvrages consacrés à la déportation des juifs en Dordogne, mais également travail de mémoire personnel. Revient ici une anecdote du grand-père parlant d’une fusillade. Là un sentiment de malaise devant une question anodine sur la guerre qui resta sans réponse. Interroger ainsi les faits, les confronter (aussi bien à ses proches qu’à un témoin encore en vie de ces années noires) est douloureux. Mais, comme Parisis, nous avons envie de savoir, même tant d’années après, pourquoi Alfred, Maurice, Jacques, Cécile et Isaac (enfants âgés de 6 à 12 ans), ont été sacrifiés. En se racontant au « je » dans cette histoire, Jean-Marc Parisis réussit à nous associer, nous lecteurs, à cette quête. Le temps d’une lecture, nous devenons témoins de faits dramatiques. Un récit d’une authentique sensibilité.
Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Pour que les pierres ne soient pas seules à se souvenir
C’est un livre conçu à partir d’un silence. Pour remplir ce silence, Jean-Marc Parisis aurait pu choisir l’option du roman ; il a préféré la réalité de faits établis, notifiés noir sur blanc dans des dossiers épais, bien rangés sur les rayonnages des Archives. Une façon de rendre justice à ceux dont on ne parle plus et avec lesquels il partage une même unité de lieu : le village de La Bachellerie, niché au fin fond de la Dordogne, que l’on aurait pu croire, à tort, à l’abri des tourmentes de l’histoire. Lorsqu’il était enfant, dans les années 60-70, qu’il passait tous ses étés dans la maison de ses grands-parents dans ce petit coin de paradis, il n’a jamais entendu parler de la façon dont La Bachellerie avait traversé les années de guerre. Un silence plutôt répandu dans les familles à cette époque. C’est par hasard, en faisant des recherches sur un autre événement que Jean-Marc Parisis tombe sur la photo qui orne à présent la couverture de son livre : cinq enfants d’une même famille juive, victimes de la rafle du 30 mars 1944 à La Bachellerie. Il prend alors conscience de tout ce qu’il a partagé avec ces enfants, lui dont la propre enfance s’est déroulée au contact des mêmes pierres, des mêmes champs baignés de soleil, des mêmes chemins où cueillir des mûres. Il part à leur recherche à travers les nombreux écrits et témoignages disponibles, rencontre l’un des rares survivants ayant échappé à la rafle, Benjamin, âgé de 14 ans à l’époque des faits. Sous sa plume, surgit alors la réalité d’une époque. Celle d’un village qui, jusqu’en 1940 ignorait ce qu’était un juif. Une région qui voit soudain affluer les populations de l’Est de la France, contraintes à l’exil au moment de l’armistice. Parmi elles, de nombreuses familles juives qui vont trouver asile et travail dans la campagne, auprès d’une population accueillante et solidaire où le bon sens paysan semble prévaloir. On s’entraide, chacun à son niveau, les fermiers en offrant du travail, les gendarmes en trafiquant des rapports, aidés en cela par la bienveillance du préfet. La vie s’organise, certes précaire. Mais la gangrène gagne, sous la forme de la milice qui s’infiltre jusqu’aux endroits les plus reculés. Et les habitants qui pensaient qu’un coin aussi perdu passerait peut-être entre les mailles du filet vont être vite détrompés lorsque la division Brehmer qui remonte vers Paris avec pour mission de nettoyer les maquis sur son chemin fait étape à La Bachellerie. C’est un véritable objet littéraire que nous offre Jean-Marc Parisis, bien au-delà du simple récit. A travers le parallèle entre les enfances vécues à différentes époques, il met à jour des correspondances entre des individus qui ne se sont jamais connus et qui pourtant sont liés pour toujours. Et l’on se dit que les murs ne devraient pas être les seuls à se souvenir. Très émouvant le moment où il s’aperçoit face aux quelques survivants des camps que sa quête ne peut aller au-delà des faits vécus au village car ensuite, cela dépasse son propre entendement et cela n’est plus son propos : « Si les mots ont manqué à ceux qui ont vécu l’enfer, il n’y a rien à ajouter ». Tout simplement magnifique. Belle ambition, belle réalisation. Indispensable. Retrouvez Nicole G. sur son blog |
|