Rencontre avec P.D. James
« Dalgliesh et moi mourrons le même jour »
J’ai eu le bonheur de rencontrer à plusieurs reprises P.D. James qui vient de s’éteindre. La dernière fois, c’était à Londres chez elle, en février 2013 pour préparer son intervention aux « Quais du polar de Lyon » ou elle fit un tabac ! Elle était en pleine forme et voici notre entretien autour de son dernier livre « La mort s’invite à Pemberlay »
Vous souvenez-vous de la naissance de votre personnage, en 1962 ?
Très bien. Je voulais un professionnel, pas un amateur. Il fallait donc qu’il travaille à Scotland Yard. Je l’imaginais courageux, mais pas tête brûlée, intelligent et capable de compassion, sans être sentimental. Enfin, pour parfaire sa personnalité, j’en ai fait un poète !
L’homme idéal ! N’en êtes-vous pas un peu amoureuse ?
Non ! C’est un ami, pas un amant. Et même plutôt un double, un PD James au masculin. Au point que si je le tuais un jour, j’aurais l’impression de commettre un suicide par procuration. Dalgliesh et moi mourrons le même jour.
N’avez-vous jamais été tentée d’écrire des romans traditionnels ?
Les gens établissent la distinction, mais mon ambition est d’être considérée comme une romancière. Une bonne romancière. On reproche au genre policier ses codes et sa construction un peu artificielle. Mais quelle est la différence avec la littérature ? Et en Angleterre, je suis considérée comme un écrivain à part entière. J’ai déjà présidé le jury du Booker Prize et je siège à la Chambre des Lords !
Vous affirmez qu’imaginer une intrigue devient de plus en plus difficile en raison de l’évolution des mœurs. Pourquoi ?
Il faut une vraie raison pour tuer et les motivations ont forcément changé. Qui se préoccupe aujourd’hui de cacher une liaison par exemple ? Au contraire, on l’affiche en une des magazines ! Il n’empêche que l’argent, l’amour, la jalousie restent des mobiles de choix depuis des siècles.
Seriez-vous capable de tuer quelqu’un ?
Oui, comme la plupart des gens, mais sans préméditation. Je peux comprendre certains crimes et si quelqu’un tuait l’un de mes enfants et restait en liberté, je pense que je voudrais que justice soit faite.
article initialement paru dans ELLE