A force d’entendre parler du Mali dans un contexte d’actualité militaire (sans grand intérêt), ou de rappeler les atrocités commises au nom d’intégrismes religieux dans cette zone géographique, découvrir ce pays avec un regard d’écrivain natif de Bassala est éclairant à bien des égards. La réalité décrite dans sa troisième fiction est totalement contemporaine. Elle démarre ainsi : « Un matin, mon papa a fait apparaître un grand tableau vierge qu’il avait soigneusement caché dans la maison. Il connaît sa maison plus que quiconque au monde, mon papa. Il a donc sorti son tableau avec des pinceaux et des boîtes de peinture. Il s’est installé dans la rue, devant notre maison. Il s’est mis à crayonner, à peindre. Il avait presque les yeux fermés… »
Ce que raconte ensuite ce gamin, c’est l’obscurantisme religieux, les familles écartelées, la férocité des apprentis imams, les compromis pour survivre -parfois au prix de sa propre dignité- et, aussi, le sort réservé aux artistes qui ne font pas allégeance au pouvoir en place. Une fiction dure, à l’ironie mordante, tristement d’actualité. Loin de la poésie des contes orientaux, même s’il est question dans ce roman d’un calife au nom très évocateur : Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne.
Que reste-t-il à l’homme, à l’artiste à qui l’on prend tout ? Un livre coup de poing qui rappelle ce qu’est résister.