Madame la Baronne est servie !
Si vous aimez Karen Blixen, vous allez adorer cette biographie déguisée en roman, et si vous ne la connaissez pas, vous découvrirez un personnage irrésistible, une femme d’une volonté exceptionnelle, qui vécut deux existences totalement différentes, une en Afrique où elle tenta (sans succès) de faire prospérer sa ferme, et l’autre au Danemark, où elle devint écrivain à succès. Fil rouge entre ces deux tranches de vie, « Out of Africa », un récit dans lequel elle raconte son expérience africaine et qui la rendra célèbre : de son vivant chez les amateurs de littérature, et post mortem pour tous ceux qui ont vibré en regardant Robert Redford rincer les cheveux de Meryl Streep devant la caméra de Sydney Pollack, au rythme des clarinettes de Mozart. Dominique de Saint Pern s’est immergée dans ce destin, elle s’est laissée séduire (mais pas embobiner) par la Baronne Blixen, et nous raconte une femme complexe, autoritaire, manipulatrice et géniale.
Pourquoi avoir choisi la forme romanesque plutôt qu’une biographie ?
Il existe déjà une biographie formidable de Judith Thurman, publiée dans les années 80. Je ne pouvais faire ni mieux ni différent. Les idées naissent dans la contrainte. Lorsqu’on me demandait sur quoi je travaillais, je répondais : à un livre sur Karen Blixen. Beaucoup de gens ignoraient qui elle était, mais si je leur précisais l’héroïne d’ « Out of Africa », tout le monde avait vu le film. J’ai alors décidé d’imaginer une actrice (Meryl Streep) qui s’interroge sur son rôle. Elle convoque, pour l’aider, Clara Selborn qui consacra sa vie à Karen Blixen. Ce personnage, qui a existé, me permettait de relier toutes les époques, et de ne pas donner l’unique point de vue de Karen.
Quand est née votre envie d’écrire sur elle ?
Il y a une quinzaine d’années, j’effectuais un reportage pour « L’Evénement du jeudi » sur le sida dans les pays scandinaves. Pendant que j’interviewais un homme, à Copenhague, mon regard a été attiré par un mur rouge sombre sur lequel il y avait deux portraits : l’un d’une jeune Africaine et l’autre d’un enfant à turban. C’était l’affiche du musée Karen Blixen représentant deux tableaux qu’elle avait peints. J’ai pris le train pour Rungstedlund, j’ai traversé le parc, suis arrivée vers sa tombe qui se trouve à fleur de terre et j’ai visité sa maison. Je sentais un esprit très fort sur ce lieu. Je n’avais jamais lu « La Ferme africaine », je n’avais jamais vu le film… Je me suis précipitée sur l’un et l’autre en sortant de là, puis je suis retournée plusieurs fois à Copenhague. J’étais aspirée par cet endroit, et j’ai trouvé à la librairie du musée « The pact, my friendship with Karen Blixen » de Thorkild Bjornvig. Ils avaient été très proches, mais ce texte montrait la possessivité de Karen, et éclairait d’une autre manière ses rapports avec Denys Finch Hatton, qui fut son grand amour lorsqu’elle vivait en Afrique. J’ai commencé à écrire ce roman en 2009, j’ai enquêté, lu beaucoup de livres, rencontré des gens qui l’avaient connue. En 2011, je suis allée au Kenya, et j’ai vécu dans la maison où elle avait passé sa lune de miel avec le baron Bror von Blixen-Finecke.
Ce qui est incroyable, c’est cette femme qui rentre d’Afrique, brisée par l’échec, malade de la syphilis, et qui a l’énergie de recommencer une nouvelle vie.
Elle se réinvente. Elle a commencé par écrire des contes sous le pseudonyme d’Isak Dinesen, elle ne voulait plus être en première ligne, plus souffrir. Et puis le succès l’a rattrapée.
En travaillant, avez-vous découvert des choses que vous ignoriez sur elle ?
Non, mais ce qui m’a intéressée, et ce que révèle ce livre « The pact», c’est le besoin d’emprise qu’elle avait sur les autres. Car ce qu’elle a vécu avec Thorkild, dont je suis persuadée qu’elle était très amoureuse malgré leur grande différence d’âge, elle l’a vécu avec d’autres.
Auriez-vous pu être amies ?
Non, car je déteste que l’on mette le grappin sur moi ! Ce qu’elle a quand même réussi à faire, puisque pendant deux ans je suis restée enfermée avec elle, ne voyant quasiment plus personne ! Elle a gagné. Une fois de plus.