Les internautes l'ont lu
coup de coeur
un huis clos bouleversant
Inspiré de plusieurs faits divers extraordinaires d’horreur et d’inhumanité , ce roman étonnant aurait pu verser dans le voyeurisme ou le sordide, il n’en est rien. Room comme le titre le laisse préjuger est un huis clos glaçant qui met en scène une jeune mère de vingt-six ans et Jack son jeune fils de cinq ans. Ces deux être retenus en captivité par la seule volonté de Grand Méchant Nick, n’ont aucun contact avec l’extérieur. Jack est né en captivité, il ne sait rien du monde qui s’étend de l’autre côté de la lucarne, sa mère ne lui en a jamais parlé. Pour ce jeune enfant, toutes les images qui s’impriment sur l’écran de télévision sont fictives. Jusqu’au jour où la mère de Jack acculée par les questions de plus en plus précises du jeune enfant prend conscience qu’elle n’est plus en mesure d’entretenir les faux-semblants et qu’elle doit par amour pour son fils, tout mettre en oeuvre pour pouvoir quitter cette « chambre ». La force de ce roman outre une histoire bien pensée, réside dans l’écriture d’Emma Donoghue. Le parti pris de l’auteur est de raconter le quotidien de ce couple mère-enfant à travers non par le regard de cette jeune mère, séquestrée depuis plus de six ans, mais à travers les yeux de son jeune fils. Cette écriture peut dans un premier temps dérouter, mais pour peu que le lecteur veuille bien s’accrocher lors des toutes premières pages, ce livre recèle de biens des trésors narratifs et littéraires. Emma Donoghue réussit en effet, le tour de force de se glisser dans la peau d’un tout jeune enfant et d’en adopter le code langagier, mais aussi la structure psychologique ainsi que la perception spatiale et temporelle du monde de la chambre que sa mère a créé pour lui , et plus tard également celle du monde réel qu’il va apprendre à découvrir . Emma Donoghue est véritablement une surdouée des mots, sans décrire une seule scène de violence, elle crée en quelques lignes une ambiance glaciale, un sentiment de malaise qui étreint le lecteur et ne le lâche pas. Comment ne pas se sentir bouleversé lorsque Jack fait état de son quotidien sordide – même s’il ne le ressent pas de cette façon – dans un dialogue à sens unique avec Dora et Babouche, les personnages de dessin animé qu’il voit sur l’écran de télévision, son seul lien avec l’extérieur ? Cette juxtaposition de l’horreur et de l’innocence inhérente à l’enfance est dérangeante, et crée un abîme dans lequel le lecteur ne peut que se noyer. Le cocktail savamment concocter entre l’amour maternel si particulier que cette mère porte à son enfant et la violence de la situation qu’ils subissent font de ce roman est un récit doux-amer de toute beauté. Les plus pessimistes d’entre nous percevront Room comme un roman sombre, tragique . D’autres y verront au contraire une volonté farouche d’aller de l’avant, une capacité magistrale de deux êtres à inventer leur vie et plus tard à renaître à la vie. Chaque lecteur trouvera dans ce roman, aussi dérangeant que captivant, ce que sa propre histoire lui permet d’appréhender. Room fait partie de ces romans qui vous gifle, vous dérange, vous émeut, vous bouleverse. Un roman inclassable, auquel il serait dommage d’échapper. Retrouver Meely lit sur son blog. |
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