Robert Charles Wilson, bien connu des amateurs de science-fiction, a rassemblé dans un recueil neuf nouvelles écrites entre 1995 et 2000, qui toutes se font écho, dessinant les contours d’un nouveau paysage urbain à la fois humaniste et poétique.
C’est dans la métropole cosmopolite de Toronto que sont ancrés les récits, précisément autour du plus ancien quartier de la ville, là où se trouve « Finders », une vieille librairie d’occasion, sorte d’épicentre du recueil, tenue par un homme sans âge et énigmatique nommé Oscar Ziegler. Les personnages sont presque tous nos contemporains, ils ont chacun un statut social, ils travaillent, sont universitaires, vendeurs, magasiniers, mènent une vie ordinaire, ont des problèmes de couple, des enfants, des soucis d’argent, des rêves, auxquels le lecteur s’identifie, s’attache, d’autant plus que la narration est le plus souvent menée à la première personne. En marge de ce réalisme quotidien, il y a, ici et maintenant, un grain de sable qui peut faire dévier le cours du réel et rendre possible un ailleurs parallèle. Ces mondes inconnus peuvent apparaître sous la forme de troubles psychiques, comme la schizophrénie dont souffre la sœur de Jacob, un jeune émigré juif qui a l’habitude de disputer des parties d’échecs avec le vieux Ziegler en échange d’un livre. C’est ainsi, en s’absorbant dans le jeu, que l’adolescent entrevoit la folie qui détruit Rachel, déjà recluse dans un microcosme dont elle ne pourra plus sortir. Ailleurs, un universitaire équilibré et intelligent, suite à un défi, passe ses nuits à parcourir Toronto à pied, et découvre « une ville dans la ville » dont il dessine la cartographie, en s’inspirant de la géographie et de ses propres perceptions. Ainsi, chacun porte un monde en soi, il suffit d’être aux aguets pour voir se déployer une autre réalité physique, mais toujours au risque de s’y perdre et de ne plus savoir retrouver le chemin du retour. Sandra n’est pas tombée dans ce piège : adolescente « observatrice », elle a su apprivoiser les êtres qui peuplaient ses nuits grâce au scepticisme du grand physicien Edwin Hubble, capable lui aussi d’atteindre à ce degré de discernement et de modestie en acceptant l’inconnu. Et quel plus grand mystère pour les hommes que la mort ? La nouvelle intitulée « Divisé par l’infini » est composée des mémoires d’un veuf inconsolable qui a glissé dans une civilisation inconnue en lisant un ouvrage sur l’impossibilité de la fin. Car ce sont en effet les livres, les écrits, les cartes, les mots, qui nous transmettent des éclairs de ces mondes souterrains, parfois convergents et invisibles. L’imagination engendre cette loi : rien ne meurt jamais, les vieux quartiers des villes pas plus que les êtres, tout se régénère, se transforme, nous avons toujours un pied ici et un autre au-delà des limites de notre curiosité et de notre intelligence.
« Les Perséides » sont un magnifique plaidoyer pour la tolérance, la remise en cause de nos certitudes et l’ouverture à d’autres possibles. L’infini est à la portée de ceux qui cherchent, de ces quelques élus ordinaires qui un jour se demandent ce qu’il y a derrière le miroir. Pour tous ceux-là, il y a la lumière, la possibilité d’un outre-monde où tous les espaces-temps se rejoindraient dans la connaissance.