Le premier été
Anne Percin

Editions du Rouergue
août 2011
162 p.  16,30 €
ebook avec DRM 6,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Magnifique récit sur l’adolescence

J’ai découvert la plume d’Anne Percin cet été, avec son magnifique « Les singuliers », mon avis se trouve ici. Sa plume m’avait beaucoup plu et j’ai eu l’envie de mieux la connaître, « Le premier été » paraissait justement en poche chez Babel, l’occasion n’était que trop belle.
Ce magnifique roman a fait l’objet d’une adaptation télé avec Romane Bohringer.

Nous y voici.

Deux soeurs trentenaires ; Angélique – mariée et maman – et Catherine sa cadette, se retrouvent en fin d’été en Haute-Saône pour vider la maison de leurs vacances d’enfance, celle de leurs grands-parents.

Catherine est submergée par ses souvenirs et le poids d’un secret datant de l’été de ses seize ans.

On replonge avec bonheur dans les années 80, avec les « Bonne Soirée » de nos mamies, les « OK Magazine », la musique de Daho, oh nostalgie quand tu nous tiens, un retour à nos propres souvenirs.

A l’époque au village il y avait une colonie de vacances. On se retrouvait au bord de la piscine municipale dans l’insouciance et la chaleur de l’été. Angélique voyait Xavier, un gars de la colo. Catherine était plus réservée, dans ses bouquins, plus solitaire dans la campagne, elle va découvrir de nouveaux émois.

Oh adolescence, insouciance et fragilité, attirances, nouvelles sensations, naissance d’un amour, d’une femme mais aussi d’une honte. Catherine doit absolument raconter ce qui est enfoui au plus profond d’elle, ce secret qu’elle garde depuis quinze ans. Ce drame qui lui a fait franchir son premier été.

Une plume magnifique, poétique, intimiste. Avec beaucoup de talent, de retenue et d’émotions, Catherine se livre à nous. C’est pudique, on dirait qu’elle s’adresse à vous comme à un confident.

On replonge avec elle dans nos souvenirs, toujours en musique, à la découverte du premier été, des premiers émois, de l’attirance, de la naissance des sentiments, des sensations, de l’inéluctable… De tout ce qui fait que l’on passe l’été de l’innocence à la conscience, de la candeur à la réalité, de l’adolescente à la femme, mais aussi à la notion de honte, d’incompréhension, du regard de l’autre.

Tout sonne juste, c’est court précis, passionnant. Une très belle lecture dont on ne sort pas indifférent.

Une lecture magnifique qui frôle de peu le coup de coeur.

Ma note 9/10

Les jolies phrases

Finis les politesses froides et les mépris voilés, on formait un seul bloc : les « vrais » jeunes du coin, contre les « faux », les importés, les touristes, ceux qui n’y connaissent rien.

Je m’imaginais des paroles, et certaines peut-être étaient exactement celles qu’il t’avait dites, parce qu’un début d’une histoire d’amour, je suppose que tous les mots se ressemblent.

Ça avait l’air si beau d’être amoureuse. Ça te donnait un air alangui, un peu triste, et pourtant tu rayonnais comme une princesse de contes.

Sans doute, si j’avais croisé quelqu’un, j’aurais rebroussé le chemin. Je serais sortie de mon rêve dans lequel les hommes avaient disparu. Le chien là-haut indiquait une limite. Ici, semblait-il dire, recommence la civilisation. Je voulais conserver le plus longtemps possible le sentiment enivrant d’être hors du monde, cette apnée. Alors, j’ai quitté la route pour suivre la rivière.

C’est drôle comme on se sent mieux quand l’exemple à suivre est imparfait.

Sans le savoir, j’avais déjà glissé du côté où les hommes se croient sauvés : du côté de la raison, de la morale, de la normalité.

Sans que je sache expliquer pourquoi, je me sentais allégée d’un poids, un peu comme si j’avais découvert un secret qui me rendait la vie plus légère. Je ne savais pas quel genre de secret il s’agissait, mais il reliait mystérieusement ma vie réelle et les chimères que je traînais avec moi dans le grenier. Il rendait les romans découverts dans les armoires étrangement vivants. Il n’existait plus désormais deux mondes distincts mais un seul, cachant sous la couverture tranquille des jours, des corps nus et des histoires d’amour.

Quand je repense à ce moment, en me concentrant vraiment, en essayant de faire disparaître la honte qui y a été si longtemps liée, ce que je retrouve d’intact, c’est ce sentiment de justesse. La sincérité de tout ça. L’absence de calcul, de stratégie – non pas que je n’aie pas voulu ce qui est arrivé. Au contraire, depuis le début, au bord de la rivière au milieu du champ, je l’ai souhaité. Mais je n’avais rien fait et lui non plus, jusque-là, pour que ça arrive. Rien ne correspondait à l’idée que je pouvais me faire d’un flirt. A la limite, d’un viol. Ah! le grand mot. Le grand méchant loup. Mais un viol, c’est quand on ne veut pas. Là, c’était voulu, mais ça ne se faisait pas comme je me l’étais toujours imaginé.

J’ai su dès le début que je ne parlerais jamais de ce qui s’était passé. Que je ne pourrais survivre à cette humiliation d’avoir couché avec l’idiot du village que si j’enfouissais ce souvenir à tout jamais.
C’en était fini des rêves de confidence ; je n’avais plus rien à dire, Ni à toi, ni à personne.

Et la honte dominait tout, écrasait tout. Une honte générale qui me faisait haïr aussi bien les autres que moi-même, et lui pour couronner le tout.

La cause de ma peur était tellement enfouie déjà, comme une écharde, qu’on a tardé à arracher et qui s’est enfoncée dans la chair jusqu’à ce qu’on ne la voie plus, mais qui continue à faire mal. Il n’y a plus qu’à espérer que le corps la rejette un jour.

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