Elle a des yeux tout ronds, deux grosses billes ouvertes sur le monde. Curieuse et joyeuse, elle promène son regard partout, le sourire béat. Ses longs cheveux verts parsemés de fleurs brassent l’air et lèchent la terre sur laquelle elle marche, saute, court et virevoltent. Nue comme un ver et fière de l’être, elle grimpe aux arbres pour parler avec les oiseaux, pêche dans les torrents avec les ours pour se nourrir, s’amuse follement avec les renards. Et chaque soir, elle s’endort à l’abri dans un tronc creux dans la forêt qui l’a si bien accueillie. Hiboux, lapins, ours, oiseaux, écureuils, cerfs et renards sont ses amis, des animaux qui veillent sur elle. Elle, c’est Sauvage, une petite fille arrivée là on ne sait comment.
Un jour, deux paires d’yeux se posent sur elle, deux bêtes qui lui ressemblent étrangement… Les lèvres de Sauvage se plissent, son regard devient noir, son visage vire au rouge. Ni une ni deux, la petite fille se retrouve dans un drôle d’engin bruyant qui roule. Très vite, elle est confiée à un psychiatre qui l’étudie sous toutes les coutures et à sa femme qui s’empresse de l’habiller en petite fille modèle et de coiffer sa chevelure hirsute. Sauvage ne sourit plus, ne parle plus, ne s’amuse plus. Elle ne comprend rien à ces humains, avec leurs codes et leurs règles. Sa tristesse ne dure qu’un temps car sa colère est plus forte que tout. Hors de sa vue, cette maison-prison, enlevée cette robe qui l’étouffe, détachée sa tignasse colorée! La fillette se libère et file retrouver ses bois et ses animaux.
Une ode à la différence, à l’insouciance et à la liberté. En peu de phrases, des mots qui résonnent. Une inversion rusée qui fait de la maison une cage dorée, de la forêt un lieu bienveillant, des humains des sauvages et des bêtes des amis. Quant aux illustrations, elle sont follement belles ; la nature est luxuriante, lumineuse et chaleureuse, les pièces sont désordonnées, submergées par des objets obsolètes et si hostiles.
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