Entre 1943 et 1946, 20 000 femmes furent tondues en France. La majorité pour « relations intimes avec l’ennemi », d’autres pour collaboration politique ou économique, certaines par pure vengeance. C’est justement sur l’une d’entre elles que s’ouvre « Et ils oublieront la colère ». Ce 24 août 1944, Marianne Marceau court à perdre haleine pour échapper à une foule hurlante, bien déterminée à lui raser sa belle chevelure. Qu’a-t-elle donc commis ?
70 ans plus tard, en 2015, sur les mêmes terres de l’Yonne, le cadavre d’un homme est découvert, le thorax transpercé d’une balle. Mehdi Azem, 31 ans, professeur d’histoire-géographie, s’était installé deux mois plus tôt dans l’ancienne maison de Marianne, disparue depuis l’été 44.
L’enquête est confiée à la jeune capitaine Garance Calderon. Très vite, elle apprend qu’Azem n’avait qu’une obsession : lutter contre « l’oubli définitif des horreurs du siècle dernier » car sinon la barbarie revient en boomerang. Il cherchait à retrouver toutes ces « tondues » avant qu’elles ne meurent et assurait que Marianne Marceau avait subi ce châtiment car elle était « collabo » ou « pute à Allemand ».
Lorsque la capitaine Calderon interroge les Marceau, ils se refusent au moindre renseignement sur ce qui s’est déroulé pendant l’Occupation. Cacheraient-ils quelque chose ? Car Garance a l’intuition que ces deux affaires sont liées et que le meurtre d’aujourd’hui trouve ses racines dans le drame d’hier. Rien ne va l’arrêter et ce qu’elle dévoile dépasse l’entendement.
L’Epuration dans l’Hexagone fut à la hauteur des quatre années d’Occupation, d’une violence inouïe, parfois aussi parfaitement injuste. Elsa Marpeau se penche sur cette période trouble de l’Histoire, ces règlements de comptes, censés laver l’outrage, exercés quelquefois entre amis ou au sein d’une même famille.
Pour l’auteure, le devoir de mémoire s’impose car occulter ce qui s’est déroulé autrefois favorise la renaissance du pire. Dans un aller-retour entre présent et passé, Elsa Marpeau tisse entre deux récits parallèles qui se répondent l’un l’autre, une intrigue haletante. La tension est omniprésente.
L’ambiance de haine à la Libération est admirablement rendue, les personnages dont celui de Marianne Marceau, sauvage et rebelle, à laquelle, par-delà le temps, s’attache la capitaine Calderon sont très bien campés. Toutefois, la trame est compliquée et le retournement de la fin peu crédible.