Il a été le roi du pétrole, mais tout à une fin. Aujourd’hui, accroché à sa copine trop bcbg qui va forcément le plaquer, il regarde l’étendue du désastre. Celui de notre époque, depuis les bulles –financière, immobilière, etc…- jusqu’à la crise. Le premier roman de Claire Gallen décortique implacablement nos aveuglements de libéraux en herbe.
Jeune loup plein d’ambition, Gaëtan s’était mis à gagner plein d’argent. Et il y a cru. Issu d’un milieu modeste, brillant étudiant au parcours sans faute, il a vraiment cru que ce siècle tout nouveau était fait pour des gens comme lui. Avec euphorie, il s’est mis à accumuler les signes extérieurs de richesse : la voiture, l’appartement rue Villebois-Mareuil dans le XVIIème arrondissement de Paris, et la jolie Anna, une vraie gosse de riche.
Son secret : le travail acharné bien sûr, mais surtout Christophe, son mentor. Christophe était un fils de famille qui venait d’hériter d’une société de gestion en patrimoine. « L’heure était aux cadeaux fiscaux mal calibrés, à la pierre reine, et toute une génération sentant approcher l’heure de la retraite se mettait aux calculs de rentier avec l’enthousiasme des convertis. Ils voulaient s’en mettre plein les poches ? On leur en fourrerait jusqu’à la gueule ». Christophe et Gaëtan deviennent des pros de la défiscalisation, et les clients, de plus en plus nombreux, leur font une confiance aveugle. Oui mais.
« Cet été-là nous n’avions plus du tout d’argent ». Anna et Gaëtan sont sur la Côte d’Azur, au Lavandou, dans un appartement minable, parce qu’Anna a voulu à tout prix partir en vacances, rassemblant leurs dernières économies comme on se suicide. Elle va à la plage, veut rencontrer des gens, oublier que ni elle ni Gaëtan n’ont plus de travail, et que Christophe est poursuivi par la justice. Gaëtan passe toutes ses journées au lit. Il réfléchit, fait défiler le film des dernières années pour tenter de comprendre comment les événements se sont enchaînés.
Dans la vraie vie, Claire Gallen est journaliste, et son roman peut être lu comme un excellent documentaire sur les dérives du libéralisme et les mécanismes tordus de la défiscalisation, un mot qui a fait rêver jusque dans la petite bourgeoisie. Mais n’est pas initié qui veut et dans ce roman on voit les moins informés se lancer dans des placements qui ne sont juteux qu’en apparence. Christophe et Gaëtan les y poussaient complaisamment. Jusqu’à ce que l’arnaque éclate au grand jour.
Cela dit, Les riches heures est avant tout un roman, excellent, car Claire Gallen sait créer des personnages auxquels on croit, et construit des scènes où le moindre détail est chargé de sens. Ainsi le repas où se rencontrent les parents d’Anna, les très chics et cools Luc et Sonia, parfaitement à l’aise dans leur arrogance de classe, et les parents de Gaëtan, les timides André et Catherine, engoncés dans leurs habits du dimanche. Une scène d’anthologie, si subtile qu’on peut la lire deux fois de suite, mais oui, juste pour le plaisir !