Nous sommes dans un pays qui pourrait être l’Angleterre, dans un futur pas très éloigné. Après « ce qui c’est produit, si ça c’est produit« , beaucoup de choses ont changé. Rien qui ne soit formellement interdit ou imposé par la loi (simplement des évitements, des adhésions comportementales), mais dont l’ensemble (lourd, massif) entraîne un climat délétère qui exacerbe la violence (et souvent contre soi-même, dépressions en cascade). Une jeune femme cherche à rétablir un certain équilibre… Je prends le truc à l’envers – contrairement à la 4° de couv, qui met en avant l’histoire d’amour – parce que c’est au moment où j’ai compris le personnage d’Esme que tous les liens ont pris sens pour moi (et ça arrive assez tard dans le roman). Ce dont il est question, tout en étant abondamment décliné, n’est jamais nommé explicitement (sauf par le biais de la périphrase martelée « ce qui c’est produit, si ça c’est produit« , ou par cette lettre « J » (barrée de 2 petits traits, aussi bien visuellement que par geste pour deux des personnages)); pourtant le lecteur comprend parfaitement et immédiatement, tout comme il sent que sous couvert de fiction ce sont des réflexions convaincues que livre Howard Jacobson (déjà évoquées dans son court essai : « When will Jews be forgiven the Holocaust ?« ) et force m’est de reconnaître que le magazine Chro – tout en étant excessivement sévère – n’a pas complètement tort : il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans tout ça. Le roman est inégal, parfois nébuleux, la construction est fragile, le monde futuriste sans réelle consistance et les dialogues sont souvent creux (voire crétins). Et pourtant, je l’ai dé-vo-ré. En le lisant, j’ai eu l’impression de renaître à la lecture, me disant mais c’est tellement simple, au fond. Si tout ce que je lis ces derniers temps me lasse je ne suis pas en cause ! Puisqu’il existe des romans tels que celui-ci bourrés de défauts, peut-être, mais si vibrants, des plumes avec leurs exagérations (et cette façon qu’il a de ne pas pouvoir s’empêcher de faire de l’humour, même – surtout ? – quand ce n’est pas du tout le moment… j’adore), puisque existe cette amplitude, puisque je suis encore touchée – bouleversée, emportée – par une histoire, par une rupture de ton, par un éclat de vérité au détour de tout autre chose, eh bien, voilà , c’est simple : le talent n’est pas autre chose, pour moi.