Bursa, en Turquie, été 1915. La vie d’Anouch, une jeune Arménienne de treize ans, bascule : sa famille vient de recevoir, en pleine nuit, un ordre de déportation du gouvernement turc à Constantinople. En trois jours ils doivent faire leurs bagages, vider leur maison. Un lapidaire adieu à leur vie d’avant pour suivre, avec les quelques autres milliers de déportés, le convoi qui les mène vers l’horreur. Dès lors, il faut dormir à même le sol, endurer les privations et les violences des soldats, affronter le quotidien, la peur au ventre. C’est dans un camp que la jeune fille rencontre Dikran, un adolescent, aux cheveux noirs de jais. Très vite, c’est le coup de foudre pour ce garçon courageux et sûr de lui, avec lequel elle se sent terriblement en sécurité, terriblement bien. Mais il faut repartir, et les deux enfants se promettent de tout faire pour se revoir. Chargés dans un train comme du bétail, direction Alep, en Syrie, Anouch et les siens tentent de s’accrocher à un mince et fol espoir de vie.
A l’occasion du centenaire de la tragédie arménienne, Roland Godel se retourne sur cet épisode historique extrêmement douloureux. En s’inspirant de l’histoire de sa propre grand-mère, et de témoignages de déportés arméniens survivants, il fait revivre le passé et affronte une réelle difficulté, celle de mettre des mots sur l’inexprimable. Mais dans les yeux d’Anouch, il n’y a pas que de la terreur, des cadavres ou du sang. Dans son récit, il y a aussi ce formidable espoir qu’elle porte en elle, et qui donne à ce roman un accent résolument optimiste et lumineux. Dans ses yeux d’adolescente, il y a également une culture que le jeune lecteur découvre à travers la mémoire de l’héroïne, car ce qui la fait tenir, ce qui lui permet de ne pas sombrer tout à fait, ce sont ses rêves et ses souvenirs de petite fille qui ressurgissent pêle-mêle. Sa maison dans une vallée verte et chatoyante, son école, ses amis, ses secrets, son existence, insouciante et bienheureuse. Au cœur du chaos, son violent désir de vivre est un barrage face à l’adversité, et c’est peut-être la mince espérance qu’elle a de revoir Dikran qui lui donne cette force sans limite. Au plus près de la réalité historique, Roland Godel pose enfin la douloureuse question de la possibilité de se reconstruire, après avoir connu l’innommable.
Quelques mots sur l’auteur :
Roland Godel est Suisse, il a longtemps exercé la profession de journaliste pour divers médias, et il est aujourd’hui responsable de la communication du département des finances du canton de Genève. En 2008, il a obtenu le prix Chronos pour « Les petits secrets de la pension Mimosas » ainsi que le prix du roman historique Jeunesse 2010 et le prix Tatoulu pour « La sorcière de Porquerac ».