illustration Brigitte Lannaud Levy
Composée de 240 moucharabiehs qui s’ouvrent et se ferment selon l’ensoleillement, cette façade de l’Institut du Monde Arabe conçue par l’architecte Jean Nouvel est une splendeur. Dans cet écrin, outre les collections permanentes et temporaires, on découvre une bibliothèque, une médiathèque, un café littéraire et une vaste librairie-boutique de 200 mètres carrés offrant un catalogue de 17.000 références. Nul doute que le livre a une place des plus importantes dans cette fondation inaugurée par François Mitterrand le 30 novembre 1987. C’est avec une chaleur typiquement orientale, autour d’un thé à la menthe, que Feriel Saadi qui dirige la librairie nous reçoit avec Alain Guillemin, libraire, qui nous dévoile une sélection d’ouvrages coups de cœur.
Le livre que vous défendez avec ferveur depuis toujours :
Sans l’avoir fait exprès, j’hésite entre deux textes d’auteurs égyptiens. Je vais me permettre de ne pas choisir.
« Récits de notre quartier » de Naguib Mahfouz (Babel). En soixante-dix-huit séquences courtes, l’auteur traite de son enfance au Caire. Une écriture simple et émouvante pour évoquer ses années de formation et d’éveil à la vérité du monde. Lumineux.
« Mendiants et orgueilleux » de Albert Cossery (Joëlle Losfeld). Cet écrivain-dandy né au Caire en 1913 est arrivé à Paris à l’âge de 20 ans où il est devenu une des figures incontournables de Saint-Germain-des-Près. Dans ce roman à l’écriture puissante, il décrit toute la misère des bas quartiers du Caire.
Le livre à qui vous auriez donné un prix littéraire l’automne dernier
« Meursault contre-enquête » de Kamel Daoud (Actes Sud). Il aurait bien mérité le Goncourt. L’idée qu’il a eu d’aller chercher l’arabe oublié du chef d’œuvre de Camus, « L’Etranger », est brillante. Et puis les prises de position très critiques sur l’Algérie contemporaine qu’il développe dans son livre sont tout ce que j’attends de la littérature. Un engagement.
Votre coup de cœur du moment
« Le gel » de Ibrahim Sonallah (Actes Sud), l’histoire passionnante d’un jeune égyptien boursier qui prépare une thèse de doctorat à Moscou en 1970, sous le règne de Brejnev. Il réside dans un foyer d’étudiants arabes du tiers-monde. Dans cette auto-fiction sous forme de journal, l’auteur confronté à la dureté de la vie à Moscou où l’on manque de tout, dénonce avec brio « le socialisme réel » en Union Soviétique.
La librairie de l’I.M.A faisant une très large place au rayon jeunesse nous ne pouvons repartir sans quelques bons conseils de l’équipe très dynamique qui s’en occupe:
« Les contes du Liban » de Praline Gay-Para ( L’école des loisirs) qui nous offre une délicieuse collecte de textes de l’héritage oral qu’elle a retranscrits par écrit et « La souris », un livre illustré de Shafic Abboud (Dar Onboz). C’est la réédition événement, soixante ans après, d’un conte mis en images par l’immense peintre libanais, proposé en bilingue français-arabe et assorti d’un CD de musique. Une lecture poétique qui peut plaire aussi bien aux grands qu’aux petits.
Et enfin « Yallah Bye » de Kyuhee Park et Joseph Safieddine (Le lombard), un roman graphique autofictionnel qui raconte comment, en juillet 2006, une famille franco-libanaise partie en vacances, se retrouve piégée dans le Sud Liban bombardé par Israël en représailles aux actions du Hezbollah. Un album troublant de réalisme.
Une brève de librairie
Une vieille dame arrive dans la librairie et regarde tous les rayons un par un, bouleversée. Elle y passe du temps, puis vient nous dire: « Merci pour ce que vous faites pour la culture arabe. J’ai quitté il y a longtemps mon pays, précipitamment. Retrouver ici toute cette culture est une profonde émotion ». C’est pour des moments comme celui-là que l’on fait ce métier.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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