Miniaturiste
Jessie Burton

traduit de l'anglais par DominiqueLetellier
Gallimard
monde entier
mars 2015
512 p.  22,90 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Amsterdam, fin du 17ème siècle. La jeune Nella, âgée de 18 ans, a quitté son village natal pour rejoindre la maison de l’homme qu’elle vient d’épouser et qu’elle connaît à peine. Malgré l’absence de son mari, Johannes Brandt, riche marchand âgé d’une quarantaine d’années et l’accueil glacial de sa belle-soeur restée célibataire, la très rigide Marin, la jeune femme est pleine d’espoir et pense qu’elle arrivera à créer une relation d’amour dans son couple. Elle va toutefois vite déchanter, Johannes gardant ses distances et ne consommant pas leur mariage, et Marin continuant de régenter la maison comme elle l’a toujours fait. Un cadeau va toutefois atténuer la peine de Nella : Johannes lui offre une magnifique maison de poupée représentant leur demeure. Nella va contacter un miniaturiste pour meubler ladite maison. Mais ledit miniaturiste semble savoir beaucoup de chose sur la maisonnée et peut-être même sur l’avenir. Nella va découvrir le dangereux secret de son époux ainsi que celui de sa belle-soeur. Elle devra trouver en elle l’énergie pour faire face à une terrible situation et celle qui apparaissait comme une faible femme, deviendra en fait une femme accomplie. J’ai trouvé ce roman passionnant tant pour l’histoire que pour les caractères de ses personnages. La société rigide de l’époque y est parfaitement décrite également. Un très bon moment de lecture.

partagez cette critique
partage par email
 
coup de coeur

Naissance d’une femme libre dans l’Amsterdam du 17ème siècle

Enthousiasmant ! Voilà le qualificatif qui convient à ce premier roman de la dernière livraison printanière. Les bons échos raflés par-ci, par-là ne m’avaient néanmoins pas préparée au vrai plaisir ressenti à la lecture de cet ouvrage. Une bonne histoire, une ambiance, une atmosphère, une vraie réflexion et une petite pointe de fantastique qui permet de donner à l’ensemble une singularité captivante.

Nous sommes à Amsterdam, en 1686 et Nella Oortman vient d’épouser Johannes Brandt. Elle a dix-huit ans, arrive de sa campagne et quitte une famille pauvre pour intégrer celle de son mari, un riche marchand de vingt ans son aîné, installé dans une maison cossue au bord du canal, sur la portion surnommée la Courbe d’or. Innocente et pleine d’espoir, Nella découvre un univers totalement nouveau, sa belle-sœur, Marin, une femme froide et célibataire, le couple de serviteur Cornélia l’orpheline et Otto l’ancien esclave, ainsi que son mari dont l’attitude peu empressée la plonge dans la perplexité. En guise de cadeau de mariage, Johannes lui offre une superbe maison de poupée reproduisant très exactement leur demeure familiale et qu’elle s’occupe à meubler et à décorer avec l’aide des artisans de la ville et notamment d’un miniaturiste. Mais ce dernier, mystérieux et invisible semble connaître la maison et ses habitants mieux que la jeune épouse et les livraisons d’objets paraissent avoir un sens que Nella peine à décrypter. Intriguée, effrayée aussi, la jeune femme tente de percer les mystères de la maisonnée sans savoir encore que quelques mois seulement la feront passer de l’enfance à l’âge adulte…

Ce qui séduit de prime abord, c’est l’atmosphère de cette Amsterdam du 17ème siècle que l’auteure parvient à restituer avec beaucoup de force. On sent le froid et l’humidité, on sent le contexte social et politique de cette ville aux élans contradictoires, à la fois éprise de liberté et engluée dans le carcan du dogme calviniste. En lisant, j’ai beaucoup pensé au merveilleux petit livre de Gaëlle Josse, Les heures silencieuses dont elle situe l’intrigue vingt ans plus tôt mais qui restitue la même ambiance. L’auteure s’est inspirée d’une maison de poupée exposée au Rijkmuseum d’Amsterdam et reproduite en ouverture du livre. Il y a fort à parier qu’elle s’est aussi inspirée de tableaux hollandais de l’époque pour décrire la ville et ses habitants qui semblent tout droit sortis d’une toile.

Le personnage de Nella, enfant qui se voit soudain obligée de grandir à vitesse accélérée est très sympathique, tout comme son aspiration à se réaliser et la force de caractère qu’elle va peu à peu révéler pour devenir, dans cette famille qui la prenait pour une petite fille, le pilier qui tente de maintenir la maisonnée à flots. Mais ce qui emporte le morceau c’est l’idée de la maison de poupée qui tel Le portrait de Dorian Gray semble montrer le vrai visage des personnages qui gravitent dans la demeure. Est-ce que tout est prévu à l’avance ? Avons-nous une quelconque emprise sur notre vie ou bien devons-nous nous en remettre à notre destinée toute tracée ? Question centrale du livre qui convoque pour cela autant les dogmes religieux que le surnaturel et regarde les hommes se déchirer pour quelques grammes de richesse et de pouvoir. Pendant que les femmes doivent remettre à plus tard leurs souhaits d’épanouissement personnel et d’autonomie.

Un livre extrêmement riche, bien ficelé, intelligent. Un livre capable de vous transporter dans le temps et dans les airs. Un livre qui fait autant appel à vos qualités de réflexion qu’à votre capacité à sortir du rationnel. Une vraie découverte !

 Retrouvez Nicole G. sur son site 

partagez cette critique
partage par email