C’est pêchu Pourchet : surtout qu’ici elle fait parler un ado rebelle, insolent, subversif et bien déprimé, Fabien, tête à claques de 14 ans (redondance?), Fabien Bréckard, né le 4 janvier 1978 à Troyes, 5eB au moment des faits. Il a fait une connerie, le gosse, une grosse paraît-il…
Depuis, il vit dans un centre de repos (un asile psychiatrique) d’où il ne sortira que lorsqu’il aura raconté à sa psy le comment et le pourquoi de ses actions. La thérapie par l’écriture, pourquoi pas…
C’est lui le Champion du titre ? Non, Champion, c’est son loup imaginaire qu’il trimbale avec lui, espèce de ça ou de surmoi ou de double (la psychanalyse et moi…)
Bref, Fabien Bréckard doit écrire et, si possible, la vérité : il nous livre ainsi – et très très à contre-coeur, je vous l’avais dit que c’était un sale gosse hypersensible – sous la forme de six cahiers, le quotidien de ses dernières années dans son petit collège catholique, les copains timbrés, les profs lourdingues, ses parents distants et violents, l’internat refuge, les week-ends où on préférerait rester collé au collège plutôt que de se taper des claques ou des gueules de dix pieds de long en famille, les conneries à gogo… Il a l’esprit vif, le morpion, il comprend vite, pas besoin de lui faire un dessin. Il est lucide et son regard acéré sur la société le pousserait bien à renouveler l’exploit de cesser de respirer un peu plus longtemps que la dernière fois… Il finirait bien par y passer avec un peu de patience… Mais, il y a ce projet de partir en Amérique qui le tient en vie.
Que cherche-t-il dans le fond ? A nous éclairer VRAIMENT ou à nous perdre, nous tromper ? Nous apporte-t-il la vérité sur un plateau ou sème-t-il autour de lui des leurres dans lesquels on se prendra les pieds ? Sème-t-il des petits cailloux pour nous conduire sur la voie de la vérité ou pour nous égarer ? Aura-t-il les mots pour dire pourquoi ses parents ont eu une attitude pour le moins étrange à son égard… Hein, le poids de la culpabilité qu’on traîne et qui nous tue à petit feu… Il maîtrise la langue, le môme, justement où nous mène-t-il ?
Oui, c’est pêchu Pourchet (elle est pas belle, mon allitération?) : chaque phrase « pulse », claque, pique, pétille, le jeu de mots surgit, la bonne formule jaillit, on se dit qu’elle a l’esprit vif, l’autrice, du répondant, le sens de la répartie : elle m’épate, moi qui mets du temps pour tout, qui ai l’esprit de l’escalier et la fulgurance de l’escargot. Elle connaît les expressions des kids, leurs tournures, leurs tics de langage… Il y a un p’tit côté brut, direct, cash qui me plaît beaucoup. Un exemple, première page : « La saison, c’est l’hiver, le décor, on s’en fout.Une ville bâclée autour d’un fleuve marron… » On s’en fout peut-être de la description mais ça y est, elle nous l’a posée là, à travers deux adjectifs : « bâclée » et « marron ». Pas besoin d’aller plus loin, vous êtes chez Pourchet. « L’époque, c’est 1992, c’est assez ennuyeux, 1992. Je m’ennuie » (Tiens, ça me rappelle le style du Giono des chroniques, vous savez, Un Roi… Laissez, je suis assez obsédée par Giono, j’dis peut-être des conneries). Bref, c’est drôle, intelligent, rythmé, original, plein de sensibilité, ça en envoie pas mal, oui, ça décape…. mais mais mais, (fait chier d’être honnête – parce que je l’aime bien, Pourchet), allez, j’avoue, il a fini par me saouler un peu le Bréckard, je l’ai trouvé un peu longuet son récit, j’ai eu l’impression qu’on patinait un peu souvent dans la semoule. Franchement ? Pour moi, c’est l’histoire qui ne tient pas la route (sur 250 pages) et j’ai eu beau m’accrocher des deux mains à l’écriture, il m’est arrivé de frôler l’abandon… Aaahhh, je n’aime pas dire ça parce que c’est pêchu Pourchet, oui, j’avais tellement aimé Toutes les femmes sauf une…
Si, franchement, c’est bien Pourchet…
Et puis, allez, faites-vous votre avis et on en discutera, hein ?
Voici le troisième roman de Maria Pourchet, déjà remarquée pour son écriture au scalpel qui dissèque les relations humaines avec mordant. Dans « Champion », elle tient le journal d’un adolescent à problèmes. Une réussite totale et un bonheur de lecture.
Fabien, quinze ans, est interné dans un centre psychiatrique. Son médecin, semblant croire aux vertus thérapeutiques de l’écriture, lui fournit cahiers et stylos avec pour consigne de raconter ce qui lui est arrivé l’année précédente. Fabien consent à l’exercice mais prévient, un peu bravache, qu’« il sera question d’effraction, paires de claques, mort naturelle, et [que] quelque chose pourrait brûler ». En attendant de détailler ces moments redoutables, il plante le décor. En1992, il est en cinquième, pensionnaire dans un collège privé du Nord-Est de la France. Mauvais élève, insolent, solitaire, il est régulièrement convoqué chez la principale, collectionne les heures de colle, mais rien ne semble l’atteindre, pas davantage que les reproches de ses parents qui ne s’entendent plus. Marginal à l’école, il redoute encore plus les fins de semaine à la maison entre une mère irascible chronique et un père démissionnaire. Pourtant, son journal rétrospectif est loin d’être sombre, et, malgré une désinvolture affichée, l’adolescent possède une acuité exceptionnelle pour croquer avec humour ses camarades, portraiturer ses professeurs avec ironie, et décrire sa famille sans concession, toujours avec une dose d’empathie et d’exaspération mêlées. La chronique au jour le jour nous rapproche au fil des pages du drame qui explique sa présence au centre de soins, mais Fabien diffère l’aveu, tout en semant inconsciemment des indices qui font pressentir une réalité insupportable à admettre qu’il dissimule derrière le paravent du rire ou s’en protège en se réfugiant dans son « fort intérieur ». Car les cahiers qu’il remplit ne contiennent pas seulement une narration distanciée des faits, ils glissent vers le journal intime, où se révèle l’autoportrait d’un garçon à la sensibilité à fleur de peau, sincère et désarmant, qui érige l’imagination en rempart contre la tragédie intérieure.
Maria Pourchet endosse l’individualité de son personnage, dont le réalisme subjectif est contenu dans une écriture au cordeau, tissant un récit sans temps mort qui tient le lecteur en haleine jusqu’au bout. « Champion » est un roman à la fois bouleversant et plein d’humour, qui va chercher dans les détails les plus infimes de la perception les signes de la perte et les moyens de survie à la portée d’un garçon de quinze ans.