illustration Brigitte Lannaud Levy
Ce 4 juin, la libraire généraliste et indépendante Atout Livre fêtera ses 40 ans. Mais on ne le sent pas tant l’équipe qui la dirige, Quentin Shoëvaërt-Brossault et David Rey est animée d’une fougue, d’un enthousiasme propre à leur tempérament de jeunes entrepreneurs, membres fondateurs de Librest, le regroupement de librairies de l’Est parisien. Anciens salariés à la librairie, ils se sont associés et ont repris depuis trois ans Atout Livre des mains de leur ancien directeur qui les a formés. La transmission a été assurée en douceur. Sans fausse modestie, cette librairie selon eux appartient d’abord à leurs clients qui, pour beaucoup, l’ont connue bien avant qu’ils y exercent leur métier. C’est cet esprit tourné vers les lecteurs qui insuffle une atmosphère particulière à ce vaste lieu de 300 mètres carrés qui reçoit une cinquantaine d’auteurs par an et accueille peintres et photographes pour exposer leur travail. Chaque rayon est en soi un espace dédié, comme autant de petites librairies dans la grande librairie. Quentin et David aiment à dire avec un brin de provocation amicale, que leur marque de fabrique c’est « la province à Paris ». Le 12e arrondissement est loin du centre de la capitale, ce n’est pas un lieu culturel, c’est avant tout un quartier résidentiel. Donc pas de snobisme ici, l’éventail sociologique est large comme la ligne éditoriale de la librairie qui explore tous les champs, du plus exigeant au plus populaire.
Le livre de l’an passé à qui vous continuez d’apporter votre soutien
« Joseph » de Marie Hélène Lafon (Buchet Chastel). Un roman flaubertien qui revisite « Un cœur simple », mais dans un monde rural. Elle réussit à éviter tous les écueils du genre : ne pas tomber dans le lyrisme des citadins devenus néo-ruraux ou des clichés de la littérature de terroir. Elle possède une force pour décrire la disparition d’un monde et ces gens de peu, attachés à leur terre.
Le livre que vous défendez avec ferveur depuis toujours.
« L’établi » de Robert Lienhart (Minuit). Un récit sociologique, politique et littéraire puissant sur l’expérience de Lienhart au sein du « mouvement des établis » qui l’a amené à être ouvrier spécialisé à l’usine Citroën de la porte de Choisy et sa tentative infructueuse de mener une grève. Un récit autobiographique extrêmement bien écrit.
Mais aussi, « Vie et destin » de Vassili Grossman (Bouquins). Un chef d’œuvre. Le grand roman sur la seconde guerre mondiale du côté soviétique. Dans cette édition de la collection Bouquins nous avons la version intégrale avec entre crochets les passages qui avaient été expurgés. Et aussi des textes courts, dont cette lettre bouleversante qu’il avait écrite à sa mère décédée et qu’il a toujours gardée, jusqu’à la fin de sa vie, sur lui.
Le roman à qui vous auriez donné un prix littéraire cet automne
«Les grands» de Sylvain Prud’homme (L’Arbalète/Gallimard).
Quand la dimension politique passe par la musicalité de l’écriture d’un auteur qui connaît intimement l’ Afrique noire pour y avoir vécu. Il imagine la journée d’un ancien membre d’un célèbre groupe de Guinée-Bissau qui a réellement existé : Super Mama Djombo et qui doit annoncer aux autres musiciens du groupe, la mort de leur chanteuse : Dulce. Alors qu’il essaie de reformer ce groupe mythique le temps d’un concert hommage, un coup d’État se prépare.
Pour vos 40 ans, vous publiez un livre. Dites-en nous plus.
Il s’intitulera « 40 ». C’est un recueil de textes inédits avec la contribution des auteurs que nous aimons et qui ont un rapport historique tout autant qu’affectif à la librairie. Valérie Zenatti, Marie Hélène Lafon, Sylvain Prudhomme, Violaine Schwartz et Hervé Commere, auteur de polar et libraire chez nous.
Une brève de librairie
La plus drôle, un lycéen nous a demandé « Jack l’Éventreur de Denis de Niro ». Il s’agissait en fait de Jacques le fataliste de Diderot
Plus sérieusement un très beau souvenir. Une rencontre deux en un. Nous avions une très bonne et très fidèle cliente dont nous ne connaissions rien sur sa vie. Un jour j’avais un livre à la main dans lequel j’étais plongé et il était d’Aharon Appelfeld. Elle me dit alors qu’elle en est la traductrice. Nous sympathisons et deux ans plus tard le grand auteur et poète israélien vient à Atout Livre avec elle pour une rencontre inoubliable pour nos lecteurs et nous même.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Lévy
Visites nos autres librairies invitées
203 bis, Avenue Daumesnil 75012 Pari
01 43 43 82 27
www.atoutlivre.com