Ecrit il y a dix ans aux Etats-Unis, ce texte reste d’une actualité saisissante et les réflexions qu’Eve Ensler y mène font mouche. Cette activiste féministe, présente sur bien des fronts (ne serait-ce que par le biais de son association v-day), est bien plus que l’auteur du texte « Monologues du vagin ». S’interroger, militer, faire bouger les mentalités, être au cœur des combats plutôt qu’à leur périphérie (même comme observatrice bienveillante et intelligente) semblent êtres les credo d’Eve. Dans cet ouvrage, intime autant qu’universel, elle remonte à la genèse de ce qui fut l’un des points de départ d’une prise de conscience profonde sur sa raison d’être au monde. Elle pose tout d’abord le cadre de ce livre, son interrogation sur le « tout sécurité » mis en place aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre (et qui ont montré leurs inquiétantes limites, autant que leur relative inefficacité) ; s’amuse de constater le suivisme de la France en la matière. Elle poursuit avec quatre parties intitulées « Attirée par ce que je redoutais le plus », « Effondrement », « Quitter la maison de mon père », « Finalement dévoilée – enfin insécurisée », avant de conclure « La paix est un état d’être ; la sécurité est un être de l’Etat ». Chaque chapitre offre une phrase que l’on a envie de noter, pour partager, pour réfléchir à plusieurs, pour s’étonner ou se révolter.
Alors lancez-vous. Lisez Eve, Faites vôtres certains de ses combats. Essaimez ce livre (ou les précédents, formidable « Je suis une créature émotionnelle » paru chez 10/18) mais ne passez pas à côté, malgré un titre plus que dissuasif et une couverture noire peu rock’n’roll. Cette femme est une combattante, une résiliente. Suivez-la dans ce voyage écrit, face aux femmes violées du Kosovo, aux femmes mutilées d’Afrique, aux mères meurtries par la perte d’un fils pendant cette guerre absurde en Irak, aux femmes SDF, aux épouses maltraitées, aux jeunes filles et aux femmes victimes de violences. Ce n’est pas toujours sombre ; il y a des larmes, de l’émotion et de l’amour, tellement, envers ces sœurs de misère du monde entier qui tentent de refuser -avec leurs moyens- les violences qui leur sont faites, et qui réfléchissent avec intelligence aux mesures politiques, sociales, économiques qui permettraient d’y faire face. Une philosophie de l’engagement féministe à portée de tous.
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