Cette visite est très particulière. Tout d’abord, il s’agit d’une librairie spécialisée dans le monde de l’art, mais aussi comme la Hune, feu sa voisine de Saint Germain des Prés, elle va fermer sous peu, après plus d’un siècle d’activité. C’est en 1924 que Madeleine Feuchtwanger qui vient de reprendre la librairie (créée trois ans plus tôt dans une ancienne remise à deux pas de l’école des Beaux-Arts de Paris), demande à André Gide son accord pour lui donner le nom de LA PORTE ÉTROITE. « Votre proposition me touche exquisement. Permettez-moi de vous offrir ce petit livre [La porte étroite], dont je retrouve par miracle encore un exemplaire (certainement réservé d’avance pour vous). Je voudrais qu’il portât bonheur à votre nouvelle maison… Je l’accompagne de mes vœux les plus sincères », André Gide, 12 mars 1924. Après différents changements de propriétaires, en 1975 Claude Schvalberg, chercheur, ancien élève de l’École Nationale des arts décoratifs reprend l’enseigne et lui donne une orientation « Histoire de l’art » avec une prédominance pour la littérature artistique et la conservation des œuvres d’art. Les vœux formulés par André Gide auront porté bonheur à cette librairie le temps d’un centenaire, mais hélas, guère au-delà. Après quarante ans de passion pour son métier, Claude Schvalberg a décidé de cesser son activité pour prendre légitimement sa retraite. Lucide, il sait pertinemment qu’il y a très peu de chance que la librairie trouve un acquéreur. Ce n’est pas dans le sens de l’histoire. Sa tristesse est profonde. Alors avant la fermeture définitive, en guise d’au-revoir et non d’adieu, nous avons pris le parti de mettre en avant dans cet article un seul ouvrage. Celui de Claude Schvalberg lui même, une incontournable et indispensable somme de plus de 600 pages : « Dictionnaire de la critique d’art à Paris, 1890-1969 » (Presses universitaires de Rennes). Préfacé par Jean-Paul Bouillon, ce dictionnaire comprend près six cents notices sur les critiques d’art, professionnels ou non, qui ont commenté la peinture, la sculpture, les arts graphiques et la photographie de 1890 à 1969. Chaque auteur cité fait l’objet d’une entrée détaillée, offre des éléments biographiques précis, une bibliographie, des indications concernant l’iconographie et la mention des fonds d’archives existants. Avec cet ouvrage, Claude Schvalberg continuera de partager sa passion et son érudition avec les lecteurs. Une page certes se tourne mais l’histoire, de l’art en ce qui le concerne, se poursuit. Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy Librairie La Porte étroite
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