La ville, Paris, est omniprésente, parfois vertigineuse, ou asphyxiante. Le narrateur, Jean, y vit, y travaille, a des aventures avec des femmes qu’il n’aime pas, retrouve certains soirs William, Georges, Paul et Louise, cinquantaines désenchantés avec qui il part en vacances tous les ans, plus par le fruit du hasard que par véritable affinité. Au milieu du dédale de ses déambulations urbaines, le narrateur est insaisissable, il semble flotter au-dessus de sa propre existence, traverser le temps et l’espace sans y trouver ni sens, ni empreinte tangible. Ses pensées ironiques vont et viennent, décrivent avec précision et réalisme un monde aseptisé que toute spontanéité et tout élan semblent avoir déserté. Dans le métro, Jean ne prend pas appui sur la barre prévue à cet effet par peur des microbes, dans la rue, il discute sans relâche avec Georges mais tous deux ne disent rien de ce qui les préoccupe vraiment, les décisions prises ne sont pas celles qu’on souhaiterait prendre, comme de louer un nouvel appartement dont la vue sur les voies rapides le long de la Seine le saisit d’angoisse. « Le temps, en définitive, avait passé vite. Émoussé l’agacement. Il l’aiguise sans doute, ai-je pensé, quand il traîne, mais l’émousse dès qu’il file. C’est avec lui qu’on trompe ceux avec qui on le passe. »
L’équilibre fragile du quotidien est soudain ébranlé par l’hospitalisation de William, la rupture de Louise et de Paul, l’annonce d’une future paternité non désirée. Finalement, on connaît peu ceux que l’on fréquente, et il est souvent trop tard pour le regretter, pense Jean.
Les non-dits deviennent alors assourdissants, les émotions souterraines affleurent. Ce qui menace de surgir nous tient en haleine tout au long du livre. Christian Oster manie la dérision avec délicatesse et nous précipite devant l’absurdité de notre condition humaine. Nous finissons hypnotisés comme l’est le narrateur devant la baie vitrée offerte au flot incessant des voitures.