Dans la série Urgences, il y a un moment où Neela Ragostra fait une pause; d’origine Punjabi Sikh, elle a vécu à Londres et s’interroge sur son avenir : continuer ses études de médecine ou pas, où vivre, quelle direction donner à sa vie. C’est à elle que m’a fait penser Alia, la fille de notre héros, Harris. La famille d’Alia, c’est une mère dont on connaîtra le strict minimum syndical (anglaise, divorcée) et un père pakistanais, Harris. Au moment où on le rencontre, il a entamé une troisième vie, pourrait-on dire. Après une enfance (pauvre) au Pakistan, il a fait des études d’ingénieur en Angleterre, épousé une anglaise, eu une fille, a finalement divorcé et s’est reconverti, pas mal déboussolé par tout ça, en épicier Spar dans le nord de l’Angleterre. Alia est à Londres, en pause de ses études de médecine, ce dont elle n’arrive pas à parler à son père, pas plus que de son petit ami. Ils viennent de rentrer d’un séjour dans la famille restée au Pakistan, et sont tous deux, très différemment, en train de chercher qui ils sont. S’ajoutent à cela les cousins installés dans le nord de L’Angleterre, qui assurent une sacré main mise sur la solitude d’Harris, et un neveu très déboussolé à Londres, proie facile pour un Imam charismatique, entre autres…
Rosie Dastgir sait de quoi elle parle, elle-même née à Bedford d’un père pakistanais et d’une mère anglaise. Son premier roman est aussi attachant que prenant, elle a un ton très juste (et très fluide) qui expose avec simplicité les nombreuses difficultés de nos vies contemporaines, quel que soit le pays où l’on vive. On apprécie grandement le foisonnement des petits et grands sujets évoqués (allant des plats cuisinés plein de parfums à l’islamophobie en passant par Shakespeare ou le féminisme) et on se délecte tout du long des mille et un renforcements de notre intérêt pour cette famille et ses satellites à qui l’on souhaite le meilleur.