b i e n t ^ o t . . .
Une autre vie de S. J. Watson Son roman précédent, « Avant d’aller dormir » s’est vendu à 385.000 exemplaires. Les avis furent partagés, il eut ses fans absolus, ses détracteurs, et à l’évidence, plus de fans que de détracteurs. On est donc d’autant plus impatient de découvrir ce deuxième livre de l’écrivain anglais qui raconte l’histoire de deux sœurs. Lorsqu’elle apprend la mort Kate, dont elle s’était éloignée depuis plusieurs années et qui vivait à Paris, Julia est sous le choc. Les enquêteurs découvrent que Kate fréquentait des sites de rencontre. Sa mort a-t-elle un lien avec ces visites ? Pour le savoir, Julia décide de se faire passer pour sa sœur et…. Voici le début : « Je monte les escaliers mais la porte est fermée. Je reste devant. J’hésite. Maintenant que je suis là, je ne veux pas entrer. J’ai envie de faire demi-tour, de retourner à la maison. Je réessaierai plus tard. Mais c’est ma dernière chance. L’exposition est en place depuis des semaines et elle se termine demain. C’est maintenant ou jamais. Je ferme les yeux et j’inspire aussi profondément que possible. Je me concentre sur l’air qui doit remplir mes poumons, je redresse les épaules, je sens la tension dans tout mon corps, elle disparaît lorsque j’expire. Je me dis qu’il n’y a aucune raison de s’affoler : je viens régulièrement ici pour retrouver des amis et déjeuner, voir les dernières expositions, assister à des conférences. Cette visite n’est en rien différente. Rien ici qui puisse me faire du mal. Ce n’est pas un piège. Finalement, je me sens prête. Je pousse la porte et j’entre. L’endroit est exactement le même que d’habitude – des murs blanc cassé, un plancher en bois ciré, au plafond, des spots installés sur des rails – et, bien qu’il soit tôt, il y a déjà quelques personnes qui déambulent. Je les observe un moment ; elles s’arrêtent devant des photos, certaines reculent de quelques pas pour pouvoir mieux les regarder, d’autres hochent la tête en écoutant le commentaire qu’un compagnon leur murmure à l’oreille, ou étudient la feuille imprimée qu’ils ont prise à l’entrée. Il règne une atmosphère de respect silencieux, de calme contemplation. Ils les aimeront, ou pas, puis ils retourneront dehors, reprendront les cours de leur vie et, vraisemblablement, les oublieront. Au début, je m’autorise seulement un coup d’œil vers les murs. Il y a environ une douzaine de grandes photos accrochées à intervalles réguliers, plus quelques-unes, plus petites, entre deux grandes. Même si aujourd’hui, je suis venue pour une seule photo, je me dis que je pourrais flâner un peu, faire semblant de m’intéresser aux œuvres… Mais je n’en fais rien. Il me faut un moment pour la trouver. Elle est placée sur le mur le plus éloigné, au fond de la salle, pas tout à fait au centre. Elle se trouve à côté de deux autres clichés – un portrait en couleur et en pied d’une jeune fille dans une robe déchirée, un plan rapproché d’une femme aux yeux cerclés de khôl en train de fumer une cigarette. Elle est en couleur, prise dans une lumière naturelle, elle présente une palette où les bleus et les gris dominent, et agrandie de cette manière, elle est imposante. L’exposition est intitulée « Lendemain de fête » et même si je ne la regarde pas en détail avant d’être à moins d’un mètre d’elle, je comprends pourquoi cette photo a été accrochée à un emplacement si privilégié. Je ne l’ai pas regardée depuis plus de dix ans. Pas attentivement. Je l’ai vue, oui – bien qu’elle n’ait pas été particulièrement exploitée à l’époque, elle a quand même été publiée dans deux ou trois magazines, et même dans un livre -, mais je ne l’ai pas regardée depuis tout ce temps. Pas de près. Je l’approche selon une trajectoire oblique, et j’examine d’abord l’étiquette. « Julia Plummer », lis-je, « Marcus dans le miroir », 1997, impression Cibachrome ». Rien d’autre, pas d’informations biographiques, et j’en suis soulagée. Je m’autorise à examiner la photographie. » |
|