Pensée assise
Mathieu Robin

Actes Sud Junior
août 2015
96 p.  11 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’amour malgré tout

Le soir du 31 décembre, Théo a un grave accident de voiture. Miraculeusement, il en sort vivant, mais reste paralysé des deux jambes. Contraint désormais de se déplacer en fauteuil roulant, et de suivre une longue rééducation, il lui faut repenser entièrement son mode de vie. Et à un âge où l’on change, où l’on découvre les filles, l’amour et même la sexualité, être paraplégique complique terriblement les choses.

Après ce traumatisme, bien que protecteurs, ses proches le prennent inconsciemment en pitié, cédant à tous ses caprices. Désormais, Théo a le sentiment qu’on ne le voit que comme un handicapé, point à la ligne. Refusant catégoriquement cette vie faite de gentillesses, pleine de mièvreries, il décide alors de prendre son existence en main : il s’inscrit aux Beaux Arts, déménage à Annecy, décide de se débrouiller seul. Et sa passion pour le dessin, qui mûrit lentement, devient un moyen pour lui de s’épanouir. Pourtant, le jeune homme ne supporte toujours pas le regard des autres ; il a en horreur l’image qu’il renvoie, et c’est désormais le cynisme, voire parfois la cruauté, qui le caractérisent, jusqu’à ce qu’il rencontre et tombe amoureux d’une étudiante russe prénommée Sofia. Très épris l’un de l’autre, les jeunes gens commencent alors à vivre une extraordinaire passion. Mais Théo doute, une fois de plus : en effet, ayant la taille d’un enfant, il n’apprécie pas qu’on les voie ensemble, et les tendres baisers de son amie, qui doit se pencher vers lui, l’embarrassent et le mettent mal à l’aise. Obsédé par sa taille, complexé par sa différence, il imagine alors une stratégie pour l’embrasser debout, comme tous les autres couples, les gens valides… Un défi complètement fou, qui ne cesse de le hanter, et le met dans une colère noire, le menant à l’égoïsme, à l’enfermement, au désespoir.

Loin de susciter la pitié ou la compassion, le héros, qui s’exprime à la première personne, nous fait parfois franchement rire. C’est en nous faisant partager le quotidien d’un adolescent fou amoureux, et que sa situation rend maussade et désagréable, que Mathieu Robin parvient à nous faire prendre conscience de l’importance de la confiance en soi. Dans ce très court texte, le héros s’émancipe, moralement mais surtout physiquement, grâce à l’aide de son amie, qui voit bien au-delà de son infirmité. Avec un humour d’une finesse incroyable, l’auteur démolit les clichés un à un, et nous conte surtout une singulière et sublime histoire d’amour.

 * Pensée assise est d’abord un court métrage, primé dans de nombreux festivals et concours, dont vous pouvez regarder un extrait : https://www.youtube.com/watch?v=uctThFGLWJk  paru ensuite dans la collection « Ciné roman » d’Actes Sud en 2005.

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