Tamara, Aimée et Esther se succèdent dans ce texte qui entremêle les vies de ses personnages féminins. Tamara est la nouvelle compagne d’un homme qui paraît solide : un bon métier (il est docteur), une fille en garde alternée (Esther) et une assurance dans la vie qui la rassure et l’enveloppe, dans un premier temps. Cette femme rebelle qui se remet d’une histoire d’amour passionnelle et bohème, se glisse volontiers dans le confort d’une nouvelle vie où son mari prend tout en charge, quitte à l’infantiliser. Cela ne la dérange pas…dans un premier temps. Car ce cocon devient de plus en plus étouffant, d’autant que sa belle-fille, Esther, ne fait pas vraiment l’effort de l’accepter. Une situation intenable.
Le deuxième chapitre donne la voix à Aimée, l’ex. Femme fragilisée par sa séparation, elle s’offre une parenthèse amoureuse avec un homme très différent du père de sa fille.
C’est avec le troisième chapitre et la dernière voix féminine que le tableau d’ensemble prend tout son relief, sa force. Esther, la jeune fille maladroite, persuadée que l’amour exclusif et enfantin qu’elle portait à son père, autorisait ses intrusions dans le nouveau couple parental… Bêtises et aveuglements de jeunesse qu’elle paye aujourd’hui au prix fort, puisque l’homme fait porter sur sa fille, adolescente vacillante, les raisons de son échec sentimental.
L’écriture, tranchante, sèche, lacère les bribes de vies de Tamara, Aimée et Esther. Epouse, ex-compagne, fille : chacune peine à exister sans le regard ou l’approbation de l’autre. Ces trois femmes tombent dans le piège. Chacune, à sa manière, tentera de s’émanciper de ces tutelles dévorantes, étouffantes, mortifères… Fuite, acceptation, révolte, avilissement, les réponses heurtent, bousculent les certitudes. Claire Castillon nous chamboule avec ces réflexions sur l’altérité, la construction de la féminité, la perversion… Un roman assurément dérangeant.
