Jean-Christophe Grangé
Le Livre de Poche
litt.generale
septembre 2015
960 p.  9,90 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
Jean-Christophe Grangé

Quel lecteur êtes-vous
Jean-Christophe Grangé ?

« Quand le polar est bon, on ne regarde jamais à quelle page on est »

 

Il a eu, pour le polar, un coup de foudre tardif. Et oui, lui qui avait suivi une formation classique en faculté de lettres, découvrait que des livres pouvaient être lus pour le seul plaisir de savoir qui avait tué qui ! Et il décida qu’un jour, s’il écrivait, ce serait des histoires criminelles et rien d’autre. Depuis son premier roman, « Le vol des cigognes », jusqu’à celui qui paraît aujourd’hui, l’énorme et palpitant « Lontano », il a affirmé puis confirmé sa place de leader dans cet univers noir. Il faut préciser qu’il sait construire des intrigues complexes, incroyablement originale, sans jamais nous perdre en route. Il a, en plus, le sens de la formule, de l’humour, et une écriture qui nous réserve d’excellentes surprises. Grangé c’est du cousu main mis à la portée de tous. Pas étonnant qu’il collectionne les best-sellers. 

Quels sont vos premiers souvenirs de lecture ?
La bibliothèque rose, la bibliothèque verte bien sûr. Je me souviens d’avoir considéré la lecture comme un effort d’abord, puis d’avoir assisté, étonné, à ce phénomène de basculement, lorsque cet effort se transforme en pur plaisir. J’empruntais des livres à la bibliothèque de l’école. Il y en a un que j’ai repoussé toute l’année, et lorsque je me suis décidé à le rapporter à la maison, c’était le meilleur. Je l’ai dévoré, il m’a captivé. Et cela reste une de mes clés aujourd’hui, être emporté…

Etiez-vous une famille de lecteurs ?
J’ai grandi dans une famille modeste, mais cultivée. Nous habitions le 12e arrondissement de Paris. Orphelin de père et enfant unique, je vivais avec ma mère et ma grand-mère. Elles avaient une vraie culture, et adoraient lire. Elles choisissaient les best-sellers de l’époque, qui parassaient en Livre de poche, avec des couvertures très évocatrices : Gilbert Cesbron, Pearl Buck, Henri Troyat… Celle de « La Peste » de Camus, un type de dos avec plein de rats, m’effrayait. Je ne les lisais pas, j’étais trop petit, mais ils m’apparaissaient comme des objets mystérieux et intenses. Pendant les vacances, j’entendais ces femmes parler de manière passionnée de leurs lectures. Je me disais, écrire et susciter ces émotions, ce doit être quelque chose. Je suis fier, car ces romans que j’écris aujourd’hui sont l’équivalent de ce qu’elles lisaient à l’époque.

A l’adolescence, qu’avez-vous lu ?     
J’étais avide de culture. Vers mes 13, 14 ans, j’ai pris goût à la musique classique (je jouais du piano), au cinéma d’auteur (Pasolini), et parallèlement, je me suis initié à la grande littérature. Balzac, Flaubert, Proust… Je me sentais en décalage avec les gens de mon âge. J’éprouvais des sentiments mélangés : une émotion esthétique devant cette écriture, mais aussi un certain ennui. Mais à l’époque, la lecture pour moi c’était ça. Je pensais que le plaisir facile était incompatible avec la qualité littéraire, ce qui m’a été confirmé plus tard, à la fac, par mes études de lettres, où l’histoire romanesque est l’ennemie du bon livre. J’ai fait mon mémoire sur Flaubert, un auteur où il y a beaucoup de style et pas beaucoup d’événements. Et Maupassant qui, au contraire, est un scénariste génialissime, se voyait complètement méprisé.

Pourquoi avoir choisi des études de lettres ? 
En sortant de mon bac musique, je voulais écrire des chansons. Dans cet esprit, je me suis inscrit en lettres, parallèlement au conservatoire. Mais je n’étais pas assez bon… J’étais cultivé, mais ce savoir ne me servait à rien. A la fin de mes études, je me suis marié, j’ai commencé à travailler dans la publicité. Pour mon malheur ! J’ai détesté ce métier. Quand vous êtes à la fac, vos héros s’appellent Rimbaud, Antonin Artaud, des mecs pauvres. Le bourgeois est le personnage à abattre… Et vous vous apercevez qu’on vous a raconté des blagues, parce que les héros, ce sont les gens qui gagnent de l’argent et que si vous avez envie d’être Rimbaud, la porte est là ! Je travaillais chez une fille spécialisée dans le publi-reportage pour les cosmétiques. Je sortais de Georges Bataille et du jour au lendemain il fallait que je brode sur les anti-cernes, les vergetures. J’ai été traumatisé !

Envisagiez-vous déjà de devenir écrivain ?
J’ai d’abord essayé à m’intéresser à ce qui paraissait à l’époque, et je n’ai rien compris. Des types qui écrivaient avec leurs orteils remportaient un succès fou. Puis j’ai rencontré des photographes, qui avaient besoin de quelqu’un pour écrire leurs légendes. J’ai fini par les accompagner dans leurs reportages. Je suis devenu journaliste. Et parce qu’on prenait beaucoup l’avion, j’ai commencé à lire des polars. Et cela me plaisait plus que les classiques. Je ressentais les mêmes émotions que devant les films policiers que j’adorais. Mon premier choc fut « Lune sanglante » de James Ellroy. Il a révolutionné ce genre. J’ai compris qu’on pouvait écrire une histoire avec un début et une fin, j’aimais la structure de l’enquête, ce cheminement vers la vérité très prenant. Puis, en vrac, j’ai découvert Leo Mallet, Sébastien Japrisot qui a écrit trois ou quatre grands chefs d’œuvre, Chandler, Manchette… Lorsque vous lisez Proust, vous ne vous demandez pas ce qui va se passer, il n’y a pas de suspense ! J’ai adoré la grande littérature, mais je ressentais toujours un fond d’ennui. Alors que quand un polar est bon, on ne regarde jamais à quelle page on en est…

Comment avez-vous passé de la lecture à l’écriture ?
Je suis tombé dans l’excès inverse. Il n’y avait plus que le polar qui comptait. J’ai compris que les sujets que je couvrais pouvaient devenir un très bon matériau littéraire. Après un reportage en 1991 sur la migration des cigognes, il m’a semblé que c’était un angle vraiment original. Et voilà, mon premier roman, « Le vol des cigognes », a paru en 1994.

Quel genre de polars aimez-vous lire ?
Il faut qu’il y ait deux choses : une bonne histoire solide, pas une rêvasserie ; et aussi une écriture intéressante, une atmosphère forte. Je souffre souvent de la pauvreté du style. Dans ce cas, je les survole rapidement. Mais c’est parfois le contraire. Un de mes auteurs préférés, Martin Cruz Smith dont le livre le plus connu est « Gorky park », signe des histoires qui se passent Moscou avec un héros appartenant à la police russe. C’est un des plus grands écrivains actuels, mais ses intrigues en revanche se révèlent un peu faiblardes. J’aime bien aussi Indridason, l’un des meilleurs nordiques à mon avis. Et chez les Français, j’apprécie beaucoup Caryl Férey.

Lisez-vous lorsque vous écrivez ?
Je n’ai quasiment plus jamais l’occasion de m’asseoir dans un fauteuil et de lire un bon roman. Parce que dès les premières pages, je culpabilise et je pense que je ferais mieux d’aller écrire. C’est probablement vrai pour tous les auteurs. Mais, lorsque je suis en avion en dans le train, je lis quand même des polars. Par plaisir et aussi par professionnalisme. Je regarde ce que font les collègues ! Et puis certains forment un véritable vivier de style, ils me proposent de belles images, ils m’ouvrent des portes et des perspectives.

 COMMENT LISEZ-VOUS ?

Marque-pages ou pages cornées ?
Pages cornées.

Debout, assis ou couché ?
Toujours couché. Et je m’endors après trois minutes, donc je lis peu !

Jamais sans mon livre ?
Jamais sans dix livres, c’est mon problème ! Ma femme, dans mon dos, les retire de ma valise. J’ai toujours les yeux plus gros que le ventre. C’est pareil lorsque je me trouve dans une librairie.

Un ou plusieurs livres à la fois ?
Plusieurs, mais ce n’est pas bien pour le livre. Enfin, après tout, c’est aussi à l’auteur de vous imposer son roman et de vous empêcher d’aller voir ailleurs !

Bruit ou silence ?
Silence, alors que j’écris avec de la musique tonitruante dans mon casque.

Combien de pages avant d’abandonner ?
J’ai énormément de peine à abandonner un livre avant de l’avoir terminé. Je trouve que ce n’est pas sympa pour l’auteur. Mais un mauvais livre, contrairement à un film, ça peut vous pourrir une semaine entière !

L’ORDONNANCE DU DOCTEUR GRANGE

« Madame Bovary » de Gustave Flaubert

« La voie royale » d’André Malraux

Toutes les nouvelles de Maupassant

«Abécédaire » de Goffredo Parise

« Piège pour Cendrillon » de Sébastien Japrisot

 

 
 
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