« La politique [est devenue] un truc vulgaire. Che Guevara est mort et Giscard est vivant. »
Pascal Thiriet sait indéniablement raconter des histoires. Il sait aussi parfaitement les rendre bien glauques, pour notre plus grand bonheur. Alors, certes, ce n’est pas le roman le plus profond que j’ai lu ces derniers temps mais celui-ci allie tout de même critique de la société de classe avec un style léger, plein d’humour et d’inventivité en ce qui concerne les mises en situation des personnages.
Hercule du Tylleux a créé un empire industrialo-bancaire de premier ordre. Il a deux fils, Dante (la brute, le pervers, le sournois, l’indigne héritier de son non moins indigne père) et Aymé (le gentil, le fifils à sa mémère, le pédé de service qui joue plus de la jaquette que du portefeuille). Hercule est entouré de ce qui se fait de mieux en conseil : Blasphème (si si, c‘est bien son prénom !), une jeune fille d’origine libanaise adoptée par la meilleure amie de la femme d’Hercule et devenue le bras droit d’Hercule et Sun Tzi pour la sécurité informatique. Mais, car il y a toujours un « mais », Hercule ne veut pas que son empire soit démantelé à sa mort entre les deux frangins. Il va organiser un duel entre Dante et Aymé sans cacher au premier qu’il ne souhaite qu’une seule chose : qu’à l’issue du duel financier que les deux frères vont se livrer (Hercule file 500 millions à chaque bambin et au bout d’un an, on fait les comptes et on regarder qui a produit le plus de richesse), Aymé soit rayé de la carte familiale et que Dante prenne la relève de son père.
On voit bien ici que les dés sont pipés par Hercule qui veut voir ses fils s’entredéchirer. Les talents ne sont a priori pas bien répartis entre les deux fils… déséquilibre auquel la femme d’Hercule va remédier en mettant 500 millions de plus dans l’escarcelle d’Aymé et en lui adjoignant l’aide de Blasphème.
On voit bien ici que les cartes ne sont pas distribuées de la même manière mais que de toute façon elles ne sont pas toutes identiques. Mais, parce qu’il y a toujours un « mais », c’est sans compter la soif de vengeance de Blasphème, dévouée à un Hercule à la reconnaissance fragile et qui par le mépris affiché à l’encontre de Blasphème va couver en son sein (ou celui de son empire) le serpent qui cherchera à la supprimer.
On voit bien ici que Pascal Thiriet sait concocter des rebondissements, sans trop s’embarrasser de crédibilité (mais au final, dans ce livre, on s’en fiche comme de la couleur de la chemise d’un DRH d’Air France (j’ai bien conscience que cette saillie s’autodétruira d’ici quelques semaines, mais bon, tant pis, l’humour est bio dégradable après tout)).
J’ai donc pris un immense plaisir à voir se déliter la famille d’Hercule, sorte de fin de race financière dont la consanguinité de classe porte l’empreinte de sa propre chute, qui se croit tout permis parce qu’elle a l’argent, qui n’a aucune considération pour les autres ni d’ailleurs aucune conscience de leur existence.