Je suis un peu déçu par les extraits de la correspondance entre Simon Leys et Pierre Boncenne parus sous le beau titre Quand vous viendrez me voir aux Antipodes. Simon Leys a été un des premiers, sinon le premier, à dénoncer les crimes du régime maoïste, à une époque où il était de bon ton, en France, de considérer Mao comme un philosophe, un poète et un homme politique également géniaux ; et il passe pour un des meilleurs spécialiste de la Chine. J’attendais donc plus d’analyses percutantes sur ce thème.
Or, le principe retenu par Boncenne – proposer des extraits des lettres qu’il a reçues de Leys pendant des années classés par ordre alphabétique -, je le trouve maladroit et artificiel. Il met sur le même plan des fragments tout à fait intéressants et des banalités qu’il aurait fallu supprimer -par exemples des remarques désabusées sur les fêtes de fin d’année). J’aurais préféré des lettres entières avec leur mélange très spontané de réflexions plus relevées et de considérations quotidiennes. Même si je comprends que Boncenne ait pu vouloir garder pour lui des passages plus intimes.
La publication d’une correspondance est toujours pleine d’écueils. En réalité, il faudrait que soit restituées les lettres des deux correspondants pour que cela ait du sens. Mais dans ce cas, se pose le problème des notes qui doivent éclairer telle ou telle allusion, replacer tel événement dans son contexte, traduire les citations en langue étrangère, donner quelques renseignements sur des auteurs cités qui ont peu de chances d’être connus des lecteurs non spécialistes. Faute de quoi, il est difficile de voir la logique des coupes effectuées et de comprendre la nécessité d’une telle publication.
Il y a un troisième homme qui s’immisce dans la relation entre Leys et Boncenne – Jean-François Revel, pour lequel l’un et l’autre manifestent la plus grande admiration, le considérant comme un éveilleur d’idées très injustement oublié. Je ne suis pas sûr de partager ce sentiment.
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