La rédaction l'a lu
Bonjour les barrés !Quand une bande d’éco-terroristes un peu barrés décident de partir en croisade contre le progrès industriel saccageant les déserts de l’Ouest, cela donne des étincelles – un feu d’artifice même ! – et quelques-unes des plus belles pages de la littérature américaine. S’il est moins connu sous nos latitudes que les cultissimes « Sur la route » et « Las Vegas Parano », « Le Gang de la clef à molette » jouit d’un potentiel égal (à quand le film?), mis à jour par les formidables éditions Gallmeister, qui ont eu la bonne idée de faire dialoguer le roman d’Abbey avec les comics de Robert Crumb, autre figure de l’underground. Doc Sarvis, chirurgien sur le déclin, a deux passions dans la vie : sa plantureuse assistante et maîtresse, Bonnie Abbzug, et la destruction par le feu des panneaux publicitaires longeant les routes du Nouveau Mexique. Lors d’une descente sur le Colorado, ils font la connaissance de Seldom Seen Smith, un paisible mormon polygame, épris de nature sauvage, et de Georges Hayduke, vétéran du Vietnam et ancien béret vert, amateur de bière, de castagne et de jolies femmes. Une veillée au coin du feu plus tard, et voici notre Gang uni par les liens du sang et prêt à en découdre. Bulldozers, tractopelles, camions-citernes, excavateurs, routes, voies ferrées, barrages : aucun n’est à l’abri des clefs à molette qui se forgent une solide réputation au fil des sabotages, de plus en plus audacieux. Evidemment, cela ne va pas sans déplaire aux forces de l’ordre locales, particulièrement pugnaces, qui engagent une folle course-poursuite contre notre joyeuse équipée, sur fond d’étendues désertiques, dévorées de soleil, et du mythique Grand Canyon. Farouche dénonciateur des excès de notre civilisation, Abbey aura mené campagne jusqu’à sa mort en 1989 contre la déforestation, l’exploitation inconsidérée des ressources minières et les grands chantiers défigurant le Sud-Ouest des Etats-Unis, traditionnellement considéré comme un refuge face à la surpopulation et à la violence régnant dans les métropoles américaines. « Le Gang » s’inscrit dans ce combat : véritable injonction à la désobéissance civile, ce roman tragi-comique ne cède pour autant jamais à la moralisation mais exploite une arme d’une toute autre efficacité, l’humour, et une sacrée dose de mauvaise foi. Tous plus attachants les uns que les autres, les personnages âpres, rudes et pas tout à fait civilisés, à mi-chemin entre la mouvance hippie et l’idéologie luddite, sont à l’image de la nature sauvage qui les entoure et qu’ils ont entrepris de défendre coûte que coûte. Abbey avouait s’être inspiré de sa bande d’amis pour ces quatre acolytes, et, en vue du résultat, on se dit que l’on aurait bien aimé en être. Lire ici notre critique de la suite: « Le retour du gang de la clef à molette« |
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