Les écrivains français, contrairement aux anglo-saxons, insèrent rarement en fin d’ouvrage la liste des personnes qu’ils souhaitent remercier. C’est bien dommage, car quelquefois, elle permet de donner un relief tout particulier au roman que l’on vient de lire. C’est le cas de ce nouvel opus du Suisse Martin Suter. Le Directeur de l’Administration des finances de la Confédération, un ancien Conseiller fédéral (qui a rang de ministre en France) ainsi qu’un producteur de cinéma viennent, entre autres, apporter leur crédit à ce thriller économique palpitant.
L’histoire débute alors que le train intercité entre Zurich et Bâle, dans lequel a pris place Jonas Brand, freine brusquement. Le video-reporter free-lance se rendait dans la grande ville rhénane pour un reportage sur une manifestation de bienfaisance. Quand il apprend qu’un passager a tiré le signal d’alarme, après avoir vu un homme se jeter sous les voies, il prend sa caméra à l’épaule et décide de filmer ce qu’il peut, ä vrai dire pas grand-chose.
Quelques jours plus tard, il apprendra qu’un trader, employé dans une grande banque suisse, s’est suicidé. Du coup, il arrivera en retard à la manifestation qu’il était censé couvrir, mais y fera la rencontre de la belle Marina Ruiz, chargée des relations publiques. Comme il est divorcé depuis de longues années et que la demoiselle est également libre, ils ne vont pas tarder à se retrouver dans un même lit.
Quelques jours plus tard le récit prend une toute autre direction. Par hasard, il se rend compte qu’il détient deux billets de cent francs suisses possédant le même numéro de série. Une rapide enquête lui apprend que cela est tout simplement impossible dans un pays qui place la sécurité en matière financière au plus degré et qui, pour la réputation de la place bancaire helvétique, ne peut se permettre le moindre faux pas.
Seulement voilà, à la GCBS, une grande banque de la place, son conseiller lui confirme la véracité des deux coupures. Quand Jonas découvre qu’il a été cambriolé, il n’a plus guère de doutes sur le caractère explosif de sa découverte.
Quand, quelques jours plus tard, il est victime d’une agression il se dit qu’il détient vraiment ce qu’un ami, ex journaliste d’investigation, ne tarde pas ä appeler de la dynamite.
Et qui risque de lui exploser en pleine figure.
La décision la plus sage ne consisterait-elle pas à tout abandonner? D’autant qu’on vient de lui attribuer une somme importante pour financer le film qu’il rêvait depuis de longs mois de monter, une adaptation moderne du Comte de Monte Cristo. Sauf que là encore, il ne tarde pas à se rendre compte que cette manne n’est pas tombée du ciel par hasard.
En nous plongeant dans les arcanes de la haute finance, Martin Sutter nous permet notamment de réfléchir à cette analyse faite par la quasi-totalité des médias en Suisse au moment de la crise de Lehmann Brothers et que l’on résumé par « too big to fail » (trop important pour sombrer). La grande banque dispose-t-elle vraiment d’un pouvoir supérieur au pouvoir politique, peut-elle faire fi des lois? Peut-elle agir au nom d’une sorte d’intérêt supérieur? Et quels rôles exacts jouent les réseaux d’influence dans un pays où quasiment tout le monde se connaît?
Les réponses à ces questions sont assez vertigineuses. Mais je vous laisse vous délecter de l’épilogue de ce roman qui ne réjouira pas uniquement les adeptes de la théorie du complot.
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