illustration Brigitte Lannaud Levy
« La plus jolie du monde ! ». Voilà ce que nous répond dans un grand éclat de rire Damien Bouticourt quand on lui demande de nous présenter la librairie Maupetit. Et n’imaginez pas que ce Marseillais exagère. Cette librairie qu’il dirige, il l’aime. Ça se sent. Créée à la fin du 19e siècle, elle est devenue en 1919 l’enseigne de la famille d’Ernest Maupetit de pères en fils. En 1998, elle est rachetée par une autre famille amoureuse des livres, les Nyssen qui sont à la tête du groupe Actes Sud, fraîchement goncourisé et nobélisé cet automne. Autrefois, il y avait quatre librairies sur la Canebière, aujourd’hui il n’en reste plus qu’une : Maupetit. Comme en résistance, elle défend avec panache les couleurs du livre avec un espace de 850 m² et une galerie de photo de 120m². Sa taille n’enlève rien à l’esprit familial qui règne ici. Il y a très peu de « turn-over » dans l’équipe. Certains sont là depuis trente, voire quarante ans. Ça compte, la fidélité. En 2014, des travaux considérables de mise aux normes pour l’accessibilité et la sécurité ont été entrepris. Ils ont duré toute une année. La librairie peut enfin accueillir les personnes à mobilité réduite et les poussettes des plus petits. Et ça aussi c’est important.
Quel est le roman français qui vous a le plus marqué cette rentrée?
« Il était une ville » de Thomas Reverdy (Flammarion). À Détroit en 2008, la détresse économique est totale, la ville en perdition et alors que chacun survit à sa façon, des enfants disparaissent. L’auteur a su trouver les mots justes et sensibles pour décrire ces ruines et les capacités que ses personnages mobilisent pour leur survie face à cet effondrement. Son travail romanesque se fait l’écho des très belles photographies que Romain Meffre et Yves Marchand ont faites des vestiges de Détroit.
Et du côté de la littérature étrangère?
« La femme qui pleure » de Zoé Valdès (Arthaud). Je connaissais mal l’histoire qui s’est nouée entre Picasso et la photographe Dora Maar. Leur relation a été compliquée, notamment à cause du côté très excessif du peintre qui a fait de cette femme à la fois sa muse, son modèle, son amante, mais aussi sa victime. Cette relation de destruction, elle ne s’en remettra pas et après leur rupture vivra totalement recluse jusqu’à sa mort.
Quel est le premier roman qui vous a particulièrement séduit ?
« Après le silence » de Didier Castino (Liana Levi), cet auteur est professeur de lettres à Marseille et il vient de recevoir, ce qui est bien mérité, le prix du premier roman. L’histoire d’un père qui raconte à son fils sa vie d’ouvrier et de militant. Un monologue poignant sur la transmission filiale.
Quel est le livre qui vous tient particulièrement à cœur et que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« La chute de cheval » de Jérôme Garcin (Gallimard). Un roman qu’on ne peut pas conseiller à n’importe qui. Ce texte sur la passion de l’auteur pour le cheval s’articule en fait autour de deux drames familiaux: les morts accidentelles à plusieurs années d’intervalle de son frère jumeau puis de son père. Mais il aborde aussi sa passion pour la femme de sa vie : Anne-Marie, la fille de Gérard Philipe. Un livre qui émerveille par son écriture et la profondeur de son propos.
Une brève de librairie :
Nous n’avons pas fermé la librairie pendant les travaux en dépit des marteaux-piqueurs. Nous avons reçu alors des témoignages de fidélité extraordinaires du type : « Continuez, on a besoin de vous ». Ça fait très chaud au cœur, comme ce client qui tous les ans nous apporte onze pots de confiture avec des gâteaux en guise de soutien à la librairie.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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142 La Canebière
13001 Marseille
04 91 36 50 50