Sur le fil d’une écriture maîtrisée, légère et stylée Yan Gauchard nous livre un premier roman aérien, tout aussi drôle qu’intelligent et savamment référencé. Une délicieuse découverte littéraire pour ce début d’année. L’histoire tient en quelques lignes. À la faveur d’une blague entre copains, Fabrizio Annunziato « traducteur trentenaire » se retrouve enfermé malgré lui dans l’une des cellules moyen-âgeuses du musée national San Marco à Florence. Ce couvent dominicain du 18ème siècle devenu musée du Beato permet de découvrir et contempler les fresques de Fra Angelico dont la plus célèbre est l’Annonciation. Avec Annunziato comme patronyme, le héros de Yan Gauchard semblait prédestiné à y être enfermé. Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, mais celle-ci va durer. « Pour une fois que l’on s’amuse dans un musée ». Entre la mort subite du père de la gardienne du musée et la colère de l’Italie de Berlusconi qui se fait entendre par une grève générale contre la politique du Cavaliere, Fabrizio va rester reclus dix jours dans les quelques mètres carrés de la cellule numéro 5 face à « La complainte du Christ sur la croix », et avec pour seule occupation le manuscrit qu’il doit traduire, un truc qui selon lui « relève de la torture ». Suite à une fâcheuse méprise des carabiniers qui prennent le jeune homme pour un partisan brigadiste, c’est le début d’un « staccato d’emmerdements » et les prémices d’un destin qui va basculer.
Fabrizio, Florence, musée. Ces trois mots ne sont pas sans vous rappeler Stendhal et un autre Fabrice emprisonné à Parme. Quand le héros de Yan Gauchard communique de façon ingénieuse avec la voisine de la maison d’en face par le langage des signes et reçoit d’elle de la nourriture catapultée de fenêtre à lucarne, cette scène s’inspire directement de « La chartreuse de Parme » où Clelia rivalise d’astuces pour échanger avec Fabrice Del Dongo incarcéré dans la Tour Farnèse. Le jeune auteur nantais avoue que c’est suite au célèbre syndrome de Stendhal qu’il a écrit ce premier roman. Rappelons que ledit syndrome est une maladie psychosomatique sous forme de vertiges ou d’accélérations cardiaques qui se produisent quand on est exposé à une surdose d’œuvres d’art. Les gardiens de musées de la ville italienne sont formés pour intervenir auprès des visiteurs atteints. Selon la psychiatre Graziella Magherini spécialiste de la question, les réactions des victimes subjuguées sont variables. Celle de Yan Gauchard, journaliste à Presse Océan aura été d’entrer en écriture et de nous proposer ce réjouissant premier roman. Il a été très inspiré en envoyant son manuscrit par la poste à la maison d’édition de ses rêves. Minuit a donné suite, ce texte est dans ses couleurs et nous nous régalons de bout en bout de cette fantaisie italienne dont le héros par certains côtés est aussi « perché », naïf et attachant dans son couvent isolé qu’un célèbre petit baron des lettres italiennes.