illustration Brigitte Lannaud Levy
Quand on aperçoit de loin, en remontant, la rue du Théâtre dans le 15e arrondissement la belle devanture d’angle, bleue et blanche de « L’écailler » on ressent immédiatement un appel d’air marin. Mais ne vous y trompez pas, ce n’est ni un restaurant de poisson ni un marchand d’huîtres, mais une librairie généraliste. Son nom vient d’un de ses fondateurs dont la maison d’édition à Marseille s’appelait « L’écailler du Sud » (pied de nez à une revue intello qui s’appelait « Lait caillé du Sud »). Cet éditeur souhaitait avoir un point de chute à Paris pour sa maison qui soit aussi une librairie. Il s’est alors associé avec cinq copains journalistes qui voulaient défendre le livre. Depuis, il a quitté l’aventure, mais le nom est resté.
Alors que toute jeune étudiante, elle était venue à « L’écailler » pour faire des extras au moment des coups de chauffe, cela fait dix ans maintenant que Lucile Donnart est devenue la libraire accompagnant le développement de cette enseigne qui ne cesse de s’agrandir. Depuis 2012 elle est gérante-associée. « J’ai attrapé le virus du métier, que j’ai toujours dans la peau», nous dit-elle avec des flammes dans les yeux. Ses clients, elle avoue s’y attacher comme des amis et aime les accompagner dans leurs choix de lecture comme elle le fait avec nous aujourd’hui, en nous livrant ses coups de cœur.
Quel est le livre de littérature française qui vous a le plus marqué ces derniers temps et que vous nous conseillez.
Je vais vous parler d’un livre qui est très difficile à défendre tant il est sombre, mais il m’a créé de si fortes palpitations. « Kannjawou » de Lyonel Trouillot (Actes Sud). Au cœur de la tragédie haïtienne, cinq jeunes tentent de s’en sortir, mais la réalité les rattrape avec son lot de souffrances et d’indignités. Un livre essentiel, puissant et magnifique.
Et du côté de la littérature étrangère ?
« Les yeux fardés » de l’auteur catalan Llouis LLach (Actes Sud). Ce chansonnier populaire retrace la vie de quatre personnages nés en 1920 dans le quartier de la Barceloneta au début de la guerre civile. Un très beau livre sur ce que la violence peut pousser les hommes à faire. Un texte dont la portée est universelle et tristement d’actualité.
Quel est le premier roman qui vous a particulièrement plu ?
« Je me suis tue » de Matthieu Menegaux (Grasset). L’histoire incroyable d’une femme qui n’arrive pas à avoir d’enfant et qui, à la suite d’un viol, tombe enceinte. Sans rien en dire à son époux, elle le garde, mais va découvrir les yeux de son violeur dans le regard de son bébé. C’est un livre sur une effroyable méprise, sur la capacité à protéger un mensonge et à porter seul un fardeau.
Quel est votre livre-culte que vous défendez inlassablement avec ferveur?
« Le poids des secrets ». Ce roman en cinq volumes d’Aki Shimazaki (Actes Sud). Cinq courts récits où l’on entend cinq voix différentes autour d’une histoire de famille entremêlée de mystères et de secrets. L’ écriture courte va à l’essentiel et c’est un émerveillement à chaque page. Une vraie pépite.
Une brève de librairie :
Une cliente très fidèle est devenue une amie au fil du temps et de nos échanges littéraires. En lui conseillant ses lectures, sans le savoir je l’ai formée à ce beau métier de libraire puisque depuis nous travaillons ensemble ici. Du coup, elle connaît parfaitement notre fonds, presque aussi bien que moi. J’aime cette histoire de transmission, d’être passeur d’une profession.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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