La nouvelle coqueluche des Français méritait bien un livre. La biographie de Marc Endeweld est un outil parfait pour découvrir comment on devient Emmanuel Macron, le petit insolent surdoué qui adore exaspérer la vieille gauche. « Macron, comment vous dire ? Ras-le-bol ! », fulminait Martine Aubry au moment où le ministre de l’Economie annonçait qu’il penchait pour l’assouplissement des lois sur le travail dominical. L’opinion est loin de partager ce dédain agacé, puisque elle le plaçait en janvier dernier en tête des potentiels candidats de gauche pour l’Elysée.
« Ce qui m’intéresse, déclarait-il en juillet 2015, c’est une ouverture, une modernisation, une transformation idéologique de la gauche ». Le succès de cet homme tient à sa liberté d’esprit et à sa volonté explicite de faire bouger les lignes sur tous les sujets tabous, qu’il s’agisse des 35 heures, du contrat unique de travail, ou du statut des fonctionnaires. Son biographe montre comment, dans sa vie personnelle, ce fluet à la tête d’enfant de chœur a fait preuve d’une semblable ténacité tranquille, assumant ses convictions et ses choix sans craindre de choquer. Issu d’une famille de la bourgeoisie d’Amiens – un couple de médecins – il est très vite armé pour la réussite : lauréat du concours général à 16 ans et troisième prix de Conservatoire de piano. En première, il se rêve écrivain et subjugue par son talent d’écriture ses camarades et sa prof de français. Mariée, trois enfants, elle a 36 ans et lui 17. Ils tombent amoureux et vivent encore ensemble aujourd’hui.
Khâgneux, énarque, inspecteur des finances, il a été banquier d’affaires quatre ans chez Rothschild avant d’être nommé secrétaire général adjoint à l’Elysée où il a fini par passer pour l’homme qui dirigeait la France. Ministre de l’Economie à 36 ans, cet ambitieux qu’Endelweld qualifie d’ambigu a gagné ses galons en s’attaquant avec succès au redouté Henri Proglio et en continuant d’affirmer sereinement des convictions jugées scandaleusement droitières par ses petits camarades. Il est vite devenu aux yeux des médias le rival de Manuel Valls dans l’opinion, au point d’être désormais entouré d’un comité de soutien très actif. Ce qui ne l’empêche pas d’afficher une lucidité têtue, selon cette biographie bourrée d’anecdotes. Quand l’un de ses amis l’appelle – « Tu es à Paris ? » – il rétorque : « Non, je suis à Saint-Germain-des-Prés ». Il n’est pas du genre à se laisser impressionner. Quand François Hollande l’a prié d’entrer au gouvernement, il a posé une condition : «Je pourrai faire des réformes ? »