L’arbre du voyageur
Illustration Brigitte Lannaud Levy
Rien de nouveau tout a changé. Toujours le même nom, toujours la même adresse, toujours la même bonne ambiance dans cet écrin cosy où l’on se sent bien au milieu des livres. Et pourtant quand vous poussez la porte de la librairie généraliste « L’arbre du voyageur » vous ressentez dans l’atmosphère par un « je ne sais quoi » qu’il y règne un profond changement. Il tient à sa nouvelle propriétaire Sophie Manceau, dont les yeux pétillent de cette aventure qui s’offre à elle, ce nouveau voyage. « Des livres, des gens : auteurs, lecteurs. L’alchimie d’une librairie tient à ça, tout simplement » nous dit-elle avec un large sourire. Et les gens, on sent qu’elle les aime vraiment, autant que les livres. Aussi chaleureuse qu’investie, elle est entourée d’une toute nouvelle équipe de trois libraires qui prennent le temps de partager leurs passions et de vous conseiller au plus près de ce que vous recherchez. Ne rien casser du passé solide de cette librairie familiale qui avait été transmise jusqu’alors par Jean-Marc Desmarest à Emmanuel son fils, tout en construisant un nouvel avenir créatif et dynamique, tel est l’enjeu que s’est fixé la nouvelle maîtresse des lieux. Libraire chevronnée, c’est elle qui a créé avec son ancien conjoint la librairie « Le genre urbain » à Belleville. C’est en juin dernier qu’elle a repris les rênes de cette incontournable librairie du quartier Mouffetard à Paris dans le 5e dont nous avions déjà fait le portrait sur onlalu. Mais une reprise d’enseigne plutôt qu’une fermeture méritait bien un nouveau portait, une nouvelle aquarelle. C’est Sophie Manceau qui nous reçoit pour nous faire part de ses coups de cœur.
Quel est le roman de littérature française qui vous a particulièrement plu ces derniers temps?
C’est le livre d’une mathématicienne, membre de l’Oulipo : Michèle Audin : « Mademoiselle Haas » (L’Arbalète). En 19 récits, elle sort de l’oubli des femmes qui portent toutes le nom Haas et qui ont occupé dans les années trente des métiers aussi variés que sage-femme, ouvrière, coiffeuse, fraiseuse… Bien qu’articulé sur une contrainte d’écriture, ce n’est pas mécanique du tout. Au contraire, c’est superbement écrit et captivant.
Et du côté des étrangers, quel est le roman qui vous a le plus marqué ?
« Infini. L’histoire d’un moment » de l’auteur britannique Gabriel Josipovici (Quidam éditeur). Un majordome nous raconte la vie d’un musicien compositeur sicilien d’avant garde qui a traversé le 20e siècle. Une réflexion sur la création et la solitude que ça provoque. Un texte construit sous forme de litanie où la phrase vous porte et vous transporte. Un très beau travail formel et stylistique.
Quel est le premier roman que vous voudriez nous faire découvrir ?
Un premier roman anglais : « Le chagrin des vivants » d’Anna Hope (Gallimard). C’est une belle histoire qui se passe dans les années 20 à Londres, après la guerre, alors que les gueules cassées sont de retour et que la dépouille du soldat inconnu anglais va être rapatriée. On suit le parcours de trois femmes : l’une aristocrate qui a perdu son fiancé sur le champ de bataille et qui s’investit auprès des blessés de guerre, la deuxième qui est danseuse de compagnie dans les bals et dont le frère est rentré blessé. Enfin la troisième : une ouvrière qui a perdu son fils. Un roman foisonnant comme on les aime.
À qui auriez-vous donné le Goncourt ?
C’était bien que Mathias Enard reçoive ce prix pour « Boussole » (Actes Sud). Et à part lui, Christophe Boltanski avec « La cache » (Stock) aurait fait un excellent lauréat.
Quel est le livre-culte pour vous et que vous défendez avec ferveur ?
«Le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov (Pavillons Poche). C’est un livre merveilleux qui contient tout : une satire politique et sociale, un roman fantastique, une belle histoire d’amour, du burlesque aussi. Tout cela abordé avec grande finesse psychologique. Un livre majeur de la littérature russe du 20e siècle qui peut plaire à tous, même aux plus jeunes.
Une brève de librairie
Il arrive que nos clients présentent à la caisse leur carte vitale à la place de leur carte bancaire. Et on se dit – sans grand espoir- vivement que les livres soient remboursés par la sécurité sociale.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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55 rue Mouffetard
75005 Paris
01 47 07 98 34