illustration Brigitte Lanaud Levy
Quand on arrive chez Ravy, on est tout de suite saisi par le décor. La générosité des volumes de ce bâtiment de verre et d’acier réparti sur deux nivaux en impose. Il se dégage de cette vaste librairie en rouge et noir, une atmosphère de quiétude qui invite à flâner au milieu des ouvrages et à se poser dans le bel espace café à l’étage. « S’il n’y a pas d’envie, on ne peut y mettre du cœur », nous dit tout de go Jean Michel Blanc, l’heureux propriétaire des lieux. Son souhait le plus profond : que tous, lecteurs, visiteurs, auteurs et son équipe se sentent bien en ses murs. Question librairie, Jean–Michel Blanc, connaît plus que bien son rayon. Avant de racheter Ravy en 2007, il dirigeait déjà trois librairies La Procure : à Brest, Vannes et Quimper, et ce depuis le début des années 80. Et c’est lui qui a fait grandir et se déployer la librairie Ravy pour l’installer en juin 2011 dans les 1200 mètres carrés du passage du Chapeau rouge. Ce tout jeune quartier culturel du centre historique de la ville est à deux pas de la médiathèque, du centre d’art contemporain et de l’école des beaux arts. Ici, la philosophie n’est pas de vendre à tout prix, mais de bien comprendre le lecteur et d’être constamment en prise avec l’actualité pour adapter l’offre au cours du temps et des évènements. Mais le nouveau propriétaire a aussi à cœur de préserver l’esprit d’authenticité créé dans les années 60 par les fondateurs de cette institution quimpéroise : Malou et Jean Ravy. C’est Jean-Michel Blanc qui nous reçoit, accompagné de Valérie Le Bras qui nous parle littérature.
Quel est votre dernier coup de cœur côté roman ?
« Abraham et fils » de Martin Winckler (P.O.L.). J’ai été profondément touchée par cette histoire qui se déroule dans les années 60. Un médecin rapatrié d’Algérie et son fils d’une dizaine d’années arrivent dans une grande maison dans la Beauce, chargés tous deux du poids d’un accident qui a laissé l’enfant amnésique et a causé la mort de sa mère. La relation forte et fusionnelle entre le père et le fils est saisissante. C’est un livre plein d’empathie et de bienveillance .
Et du côté des romans étrangers ?
Je viens de découvrir un petit bijou d’une Islandaise, Soffia Bjarnadóttir, « J’ai toujours ton cœur avec moi » (Zulma). C’est un livre à la fois très poétique et un brin absurde . Hildur vient de perdre sa mère qui était excentrique, cyclothymique et surtout très égoïste. Elle part l’enterrer sur une île islandaise et les souvenirs reviennent à la surface. C’est cocasse et plein d’humour.
Y a-t-il un premier roman qui vous ait particulièrement marqué ?
« De ce pas » de Caroline Broué (Sabine Wespieser). Cette journaliste de France Culture, d’une érudition incroyable, nous offre un premier texte de 170 pages où en peu de mots, elle dit tout. C’est l’histoire d’un couple qui s’éloigne. Marjorie a fui le Cambodge et la terreur des Khmers rouges. Danseuse étoile elle vient de faire ses adieux à la scène. Paul, Ardéchois protestant, a derrière lui un passé familial compliqué. Chacun doit affronter ses démons pour se retrouver. L’écriture est magnifique, chaque mot sonne juste et sait trouver sa place.
Quel est, Jean Michel Blanc, le livre le plus emblématique de votre librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Mon traître » de Sorj Chalandon (Grasset). Je l’ai découvert il n’y a pas longtemps, avant un voyage en Irlande. J’ai été tout de suite accroché par l’écriture et surtout par la profonde humanité de ce livre. En Irlande du Nord, un jeune Parisien se lie d’amitié avec un chef de groupe de l’IRA qui devient son mentor. Alors qu’il lui voue une immense confiance et une admiration sans bornes, il va découvrir que ce leader est un infiltré de l’armée régulière britannique. C’est un livre extraordinaire sur l’esprit de résistance et ce que peut être aussi l’esprit d’attachement à une terre.
Une brève de librairie
Jean Michel Blanc : C’est un métier qui me donne tellement de bonheur… Je vais vous confier mon seul regret qui est celui de ne pas avoir le temps de lire toutes les merveilles que nous avons en librairie et de passer à côté de beaucoup de pépites. Souvent je me demande ce que je pourrais bien faire pour y parvenir. Et hélas je ne trouve pas la réponse.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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10 rue de la Providence
29000 Quimper
02 98 95 05 36